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à Toulon, à Marseille ; bien plus, dans l’eau de la Seine. L’an dernier, à Saint-Cloud, MM. Violle et Poitevin trouvaient un microbe identique au vibrion vrai du choléra.

Il pouvait déchaîner une épidémie, il ne le fît point ! Pourquoi ? C’est là le secret du génie épidémique.

Ces microbes sont comme des nihilistes, reconnus, identifiés loin de leur patrie. Ils n’ont commis aucun crime, mais ils le pouvaient faire ; c’est une bombe qui a avorté.

Le vrai choléra se trouve aux Indes ! L’Europe lui est trop inhospitalière, il ne se trouve point dans son élément ; il ne tue point comme en Asie sa patrie.


Il semble qu’en Asie toutes choses prennent une proportion énorme, inconnue en Europe ; les montagnes sont gigantesques, les parfums des fleurs violens, les grands fauves et les serpens venimeux abondent, les cyclones d’une puissance inouïe sont fréquens, les épidémies (peste et choléra) formidables.

Le choléra aux Indes, aussi loin qu’on a les statistiques anglaises, fait au minimum actuellement des centaines de mille décès et les corps sont brûlés dans des bûchers ou jetés dans les rivières. Les grands centres de mort sont les grands centres de religion, surtout Bénarès et les bords du Gange. Chaleur étouffante, humidité écrasante, miasmes, humus putride, saleté, etc., que de conditions pour le développement de la maladie !

Ni la fréquence, ni la virulence ne sont en diminution aux Indes et régions voisines (d’après M. Pottevin).

Le décès par choléra aux Indes était en moyenne par an : de 1877 à 1886, 298 000 ; de 1901 à 1910, 380 000.

La proportionnalité des décès n’a pas cessé d’être considérable.

Elle était en 1912, dans la résidence de Madras, de 50 pour 100 ; à Bombay, de 77,8 pour 100 ; en Indo-Chine, de 78,2 pour 100.

Malheureusement, le choléra ne reste pas localisé dans l’Inde.

Il se propage lentement et bientôt apparaît en Europe. Le siècle dernier a vu quatre grands exodes : 1° 1817-1823 ; 2° 1827-1837 ; 3° 1841-1850 ; 4° 1892-1894.

1er exode. Le choléra éclate dans la vallée du Gange et du Bramahpoutre et tue une multitude de personnes en peu de semaines ; les malades tombent foudroyés dans les rues ; les fugitifs transportent le choléra à Calcutta, Bombay. Toute l’Inde est envahie. En trois ans,