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de l’absolu, dédaigneux du réel, insouciant des pures contingences humaines. Il y a sans doute une part de vérité dans de telles assertions qui peuvent rendre raison d’un certain nombre de ses déterminations. Elles ne suffisent pas à les expliquer toutes, car Pie X n’a pas toujours été le Pape de l’absolu : en ce qui concerne l’Italie, il s’est inspiré plus d’une fois de la réalité. Pour le bien comprendre, il faut remonter à ses origines.

Il est l’homme d’un milieu dont on ne saurait exagérer l’influence sur lui. Ce milieu si particulier, il y est né, il y agrandi, il y a passé soixante-huit années jusqu’au moment de le quitter dans les regrets, pour la solitude du Vatican. Forcé de vivre là dorénavant, en sa qualité de chef suprême de la hiérarchie et du monde catholique, il continue de vivre, plus qu’avec son entourage officiel, avec ses deux secrétaires vénitiens, auxquels il accorde sa vraie confiance. Près de lui, il a ses sœurs qu’il a fait venir ; elles ne tiennent plus le ménage du Pape, comme celui de l’abbé, du prélat, du cardinal ; mais il les voit souvent. Avec elles et ses fidèles compagnons, il parle encore le cher dialecte !

Ce dialecte vénitien, l’un des langages les plus gracieux et aimables, se nuance suivant les régions. Pie X, né à Riese, élevé au gymnase de Castelfranco, séminariste à Padoue, vicaire à Tombolo, curé à Salzano, chanoine, directeur du séminaire et chancelier de l’évêché à Trévise, évêque de Mantoue, patriarche à Venise, a habité successivement des régions diverses dans la Vénétie de terre ferme et de la lagune. Il n’existe de lui qu’une biographie originale et documentée et cette vie, écrite au commencement du pontificat, s’arrête au moment où commence celle que l’histoire retiendra. Elle peut bien souvent servir à la faire comprendre. La première vie du pape Pie X, beaucoup plus longue que l’autre, est si unie et si simple, si dénuée de grands événemens, que ce gros volume, mal composé, mais si curieux, est surtout la peinture, et c’est son intérêt capital, de tous les milieux vénitiens qu’a traversés Pie X et parmi lesquels il s’est formé [1].

Le village de Riese où le futur Pape est né, le 2 juin 1835, de Jean-Baptiste Sarto et de Marguerite Sanson, est un « pays »

  1. Papa Pio X, nella sua vita e nella sua parola, 1 vol. in-4o, 720 p., Benziger, 1905. L’ouvrage, orné de très nombreuses illustrations, a pour auteur Mgr Marchesan, professeur au séminaire de Trévise, où il a été l’élève du Pape.