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REVUES ÉTRANGÈRES

L’AME ALLEMANDE ANALYSÉE ET JUGÉE PAR LES ALLEMANDS


Unkultur, par M. Curt Wigand. Un vol., Berlin, 1905. — Die Erben, par M. Carry Brachvogel, un vol. Leipzig, 1904. — Unter dem Joch, par M. Otto Krille, un vol., Berlin, 1914.


Un certain nombre d’Allemands éclairés, ennemis d’un chauvinisme étroit et borné, avaient nourri l’espoir que, tôt ou tard, le parti socialiste allemand s’emploierait à établir le bilan moral de notre nation, c’est-à-dire que, se souvenant du jugement, trop profondément vrai, de Bebel qui nous définissait « un peuple de laquais, » il entreprendrait d’étudier, avec la loupe en main, les différens vices et travers de l’âme allemande contemporaine. Mais, hélas ! l’espoir de ces Allemands a été déçu. Et rien d’étonnant à cela, si l’on songe que nos socialistes, prolétaires ou non, sont, eux aussi, des Allemands, avec une nature et des mœurs tout semblables à celles dont nous aurions voulu qu’ils entreprissent l’étude. Tout au plus s’en rencontre-t-il un petit nombre qui, jusqu’à un certain point, ont réussi à s’affranchir des clichés de la phraséologie courante : mais ceux-là même, en dépit de leurs bruyantes protestations d’internationalisme, portent trop manifestement sur les yeux les visières communes à toute leur race pour qu’on puisse jamais les supposer capables de tenter, à ce point de vue, le plus digne effort civilisateur.


C’est un auteur allemand, M. Curt Wigand, — d’ailleurs très zélé patriote, et d’une physionomie morale assez proche de celle que nous révélaient, l’autre jour, les curieuses « confessions » du capitaine Pommer [1], — qui déplore ainsi l’impuissance fatale des socialistes

  1. Voyez la Revue du 15 août 1914.