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à la publicité, ainsi qu’une correspondance échangée entre le roi d’Angleterre et l’empereur d’Allemagne, correspondance d’où il résulte que le roi, dans son désir ardent du maintien de la paix, a poussé à l’extrême les concessions qu’il proposait de faire à l’Allemagne et à l’Autriche. Mais l’empereur Guillaume a tout repoussé. Il a poursuivi la mobilisation de ses troupes avec une hâte fiévreuse, et la correspondance entre les deux souverains, peut-être faut-il dire entre les deux hommes, car ils parlaient le langage de la familiarité et de la confiance, a été brusquement interrompue par les premiers coups de canon. La publication de ces documens a produit l’effet que le gouvernement anglais en avait espéré. L’opinion britannique qui, jusqu’à ce moment, avait été un peu flottante, un peu hésitante, un peu molle, a été entraînée par un sentiment généreux et indigné, et M. Asquith a pu tenir le langage qui correspondait à ce sentiment.

On a vu alors quelle différence il y a entre l’âme anglaise et l’âme allemande : la première formée à l’école de la liberté, de la discussion loyale, de la responsabilité pour tous et enfin de la civilisation la plus élevée, la seconde à celle du matérialisme politique, qui ne voit en toute chose que l’intérêt immédiat et brutal, immole à cet intérêt les droits d’autrui les plus sacrés et n’accepte pour soi d’autre devoir que celui de la discipline aveugle, servile et muette. Le choc de deux mentalités aussi différentes, aussi opposées, devait faire jaillir des étincelles lumineuses. L’éloquence de M. Asquith s’est élevée à la hauteur des événemens pour célébrer l’héroïque résistance de la Belgique et flétrir ses envahisseurs. — La tâche qui nous incombait, a-t-il dit, était une de celles auxquelles une grande nation ne pouvait se dérober sans se couvrir d’une honte éternelle. Nous étions contraints par des obligations précises et supérieures d’affirmer et de maintenir l’existence menacée d’un État neutre. La Belgique n’avait aucun intérêt à elle propre à défendre, si ce n’est les intérêts suprêmes et prépondérans de chaque État, grand ou petit, digne de ce nom, à savoir : le maintien de son intégrité et de sa vie nationale. La défense de Liège sera toujours le thème d’un des plus beaux chapitres des annales de la liberté. Les Belges ont conquis la gloire immortelle d’un peuple qui préfère sa liberté à son bien-être matériel, à sa sécurité, à la vie elle-même. Nous les saluons avec respect. Nous sommes avec eux de cœur et d’âme, parce que, à leur côté et avec eux, nous défendons en même temps qu’eux deux grandes causes : l’indépendance des petits États et l’inviolabilité des obligations internationales. Et M. Asquith concluait que la responsabilité de la guerre retombait tout entière sur la seule