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paiement immédiat, donner, contre l’effet à échéance, le billet à vue.

Il est facile de voir comment, dès que l’horizon s’assombrit et que les déposans viennent réclamer aux établissemens de crédit le remboursement de leur avoir, le chiffre des escomptes grossit à la Banque de France. Le 23 juillet 1914, son portefeuille était de 1 541 millions ; une semaine plus tard, le 30 juillet, à la veille de la déclaration de guerre, il s’élevait à 2 444 millions, c’est-à-dire qu’en sept jours il avait augmenté de 903 millions. Parallèlement, la circulation passait de 5 911 à 6 683 millions, atteignant presque le maximum légal, fixé alors à 6 800 millions.

On comprend que, pour intervenir d’une façon aussi efficace, la Banque de France doit jouir auprès du public d’un crédit illimité. Il faut que sa signature soit l’équivalent de la monnaie, qu’elle vaille, selon le dicton populaire, de l’or. Les garanties qui sont à la base du billet sont l’encaisse métallique et les effets escomptés. Aussi longtemps que le total de la circulation, c’est-à-dire des billets émis, ne dépasse pas celui de ces deux chapitres de l’actif, le remboursement des billets en espèces est mathématiquement assuré. Il suffirait que la Banque ne procédât pas à de nouveaux escomptes, et encaissât à leur échéance les traites qu’elle a en portefeuille, pour qu’elle réunît en peu de temps dans ses serres une quantité de numéraire égale à celle de la circulation. Mais il intervient un troisième élément qui joue un rôle d’autant plus important que les temps sont plus troublés. C’est l’Etat, qui s’adresse à la Banque et lui demande son concours. Déjà, auparavant, il était son débiteur pour une somme de 200 millions qui avait été avancée au Trésor à diverses occasions, 60 millions en 1857, 80 en 1878, 40 en 1897 et 20 en 1911. Ces diverses avances ont été fondues en une seule qui échoit au jour d’expiration du privilège concédé à la Banque, c’est-à-dire le 31 décembre 1920 : elles ne sont passibles d’aucun intérêt.

A la suite de la déclaration de guerre, les avances de la Banque à l’Etat ont pris de tout autres proportions. Une convention de 1897, renouvelée en 1911, avait prévu qu’elles pourraient s’élever à 2 900 millions, auxquels s’ajouteront 100 millions fournis par la Banque de l’Algérie, de façon à former un total de 3 milliards. La loi du 5 avril 1914, qui a approuvé ces accords, a en même temps élevé à 12 milliards la limite d’émission.