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là, et qu’au lieu de provoquer seulement la crainte, elle s’attire le respect et la sympathie. M. de Bülow nous oppose à l’Angleterre qui, d’après lui, poursuit son intérêt, tandis que nous poursuivons notre idéal. C’est faire injure à l’Angleterre : elle aussi a son idéal, qui est très noble ; elle est une des grandes nations civilisatrices du monde et elle a répandu ses œuvres bienfaisantes sur toute sa surface. En tout cas, c’est un résultat imprévu de la politique allemande, qui se juge utilitaire et réaliste, d’avoir si bien mis l’intérêt de l’Angleterre d’accord avec l’idéalisme de la France. Nous ne nous en plaignons pas.

Pour conclure sur ces oppositions, quel est le but que, à peine née, l’Allemagne s’est aussitôt proposé ? Le prince de Bülow le dit dès la première page de son livre : c’est de réclamer et de se faire de gré ou de force « sa place au riche banquet mondial. » Son malheur a voulu qu’arrivant tardivement à ce banquet, affamée, vorace, insatiable, ce ne soit pas sa place qu’elle y réclame, mais celle des autres, celle que les autres s’y sont légitimement faite par un dur, patient, héroïque labeur, poursuivi pendant de longs siècles, baigné de leur sueur, arrosé de leur sang. De là les sentimens universels qu’on lui porte. En dépit des défauts qui nous ont rendus quelquefois incommodes, le fond chevaleresque de notre nature et l’idéalisme que nous avons généreusement étendu à l’humanité tout entière, nous ont préservés d’en inspirer de semblables. Voilà pourquoi nous rencontrons aujourd’hui tant d’amis et nous avons confiance dans la justice prochaine.