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Je m’adresse à vous pour vous dire qu’à mon sens, c’est entièrement de nous que dépendent les effets des événemens. J’insiste pour vous recommander les paroles et les actes qui protégeront le mieux la nation contre les dangers. Tout bon patriote parlera et agira dans un sincère esprit de neutralité, c’est-à-dire d’impartialité, de correction et d’amitié vis-à-vis de tous ceux qui sont engagés dans la lutte. Le peuple des Etats-Unis a ses origines chez beaucoup de nations, et en particulier celles qui sont actuellement en guerre. Il est inévitable que, parmi nous, les sympathies soient opposées. Les passions seraient faciles à exciter et malaisées à calmer. De telles dissensions seraient fatales, et gêneraient l’accomplissement de ce qui est notre devoir propre : étant la seule grande nation qui soit restée en paix, nous devons nous tenir prêts à jouer le rôle de médiateur impartial et à donner des conseils pacifiques. J’adjure donc mes concitoyens d’éviter la plus légère infraction à l’absolue neutralité. Nous devons être impartiaux jusque dans nos pensées ; nous devons refréner nos sentimens ; nous ne devons rien faire qui puisse être interprété comme indiquant une préférence pour aucun des belligérans. Ma pensée va à l’Amérique. Je suis sûr de répondre au vœu des citoyens attachés à leur pays, en demandant que notre nation se montre, en ces temps troublés, en pleine possession de son sang-froid, maîtresse d’elle-même, capable d’agir sans passion. Gardons-nous libres, de façon à pouvoir intervenir honnêtement et sincèrement en faveur de la paix du monde. »

Tels sont les conseils que le chef du pouvoir exécutif donne solennellement aux habitans de la grande République. Beaucoup d’entre eux ont encore des liens avec leur patrie d’origine, qu’ils n’ont quittée que depuis un temps relativement court. Déjà le Gouvernement a fait savoir qu’il verrait avec déplaisir l’émission à New-York d’emprunts pour compte d’aucun des belligérans ; on assure que cette opinion a été exprimée à la suite de tentatives qui auraient été faites par la maison Morgan pour placer un emprunt français de 100 millions de dollars, dont le produit eût été exclusivement consacré à l’achat de produits américains. Il est juste d’ajouter que, d’après des nouvelles récentes, des démarches faites par l’Allemagne en vue d’obtenir des fonds en Amérique ont échoué.

Il est intéressant de rappeler qu’au cours de la guerre russo-japonaise,