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distinguer les compatriotes de La Fayette et de Rochambeau ; notre ambulance est le témoignage de leur fidèle gratitude. La France ne l’oubliera point.


6 septembre.

Toujours sans blessés. Quelques dames s’impatientent. On élargit les préparatifs ; nous devons approcher de 300 lits. Moi, j’installe notre chapelle. Grâce au curé de la paroisse Saint-Pierre, au couvent de Saint-Thomas de Villeneuve, et à de généreux amis, tout s’arrange sans qu’un centime soit distrait pour cela des fonds de l’ambulance. Je n’en suis pas moins reconnaissant à notre Comité d’avoir bien voulu mettre à ma disposition le plus beau local du Lycée, l’amphithéâtre de chimie. Après la guerre, peut-être, notre chapelle redeviendra salle de cours, comme les aumôniers de l’armée et de la marine perdront leur office provisoire. Mais où le Christ aura passé, il en restera toujours quelque trace divine.

8 heures du soir. — Nous allons enfin recevoir des blessés ; toutes les automobiles sont parties en chercher à Villeparisis, où en sont venus deux cents du combat de Montmirail. C’est, sans doute, la suite de ces engagemens de l’Ourcq, où le communiqué de 3 heures annonce que notre armée arrête l’avance des Allemands. Nous attendons anxieusement, tous dans le hall d’entrée : les infirmières, les docteurs, les aides. On parle d’une cinquantaine de blessés et des cas les plus graves. Qu’ils nous arrivent. Je crois que nulle part ailleurs ils ne seraient mieux traités.

11 heures. — Nous attendons toujours. La fatigue appesantit les corps ; on a tant travaillé, ces jours-ci, aux préparatifs. Mais les âmes restent éveillées ; et, si les yeux se ferment à demi, les cœurs restent largement ouverts.

11 heures 15. — Comme j’écrivais la fin de ces quatre lignes, coup de téléphone. Alerte et attention. C’est le Dr Magnin qui demande le Dr Du Bouchet. La communication achevée, celui-ci nous la transmet : « Il n’y avait à Villeparisis que 200 blessés. Quand nos voitures sont arrivées, ils étaient déjà emmenés par d’autres ambulances. So nothing to de ; go to bed. Rien à faire ; allez dormir ! » C’est a quoi nous nous résignons, un peu déçus, mais pas trop. Il suffit, en temps de guerre, que l’on s’attende à un événement, pour en voir arriver un autre.