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part, avec une escadre combinée anglo-franco-grecque, de l’autre, la question navale serait aisément réglée, en dépit de l’adjonction aux forces turques du Gœben et du Breslau. Mais ne perdons pas de vue que le principal bénéfice de la maîtrise de la mer, dans ces circonstances particulières, disparaîtrait presque complètement si on laissait à Enver pacha le loisir d’opérer, par la voie de terre, au travers du massif de l’Asie mineure, les concentrations de troupes nécessaires à ses desseins et qu’il n’oserait exécuter par la voie maritime, si rapide, si commode.


Ces opportunes concentrations de troupes et de gros matériel, surtout, grâce à l’utilisation du grand chemin qu’est la mer, ont été récemment obtenues par nos actifs et habiles adversaires, quand ils ont reconnu l’urgente nécessité de dégager la Prusse orientale en agissant sur le flanc droit, voire sur les derrières de l’armée du général Rennenkampf.

On sut en effet, vers la mi-septembre, qu’une escadre allemande comprenant 31 unités avait fait route de Kiel vers l’Est de la Baltique, qu’elle avait touché à Pillau et à Memel et s’était ensuite élevée vers le Nord.

En même temps, on signalait le renforcement des troupes du camp retranché de Königsberg, de vigoureuses sorties de ces troupes et le débarquement à Memel de nombreux contingens. Enfin, quelques jours après, on apprenait que le croiseur cuirassé russe Baïan[1] avait coulé un « destroyer » et deux torpilleurs mouilleurs de mines allemands, dans les parages où s’ouvrent les deux golfes de Riga et de Finlande.

Avec ces données un peu vagues, on peut essayer de reconstituer les faits. Il s’agissait pour la marine allemande de protéger les convois de paquebots qui portaient les élémens d’armée destinés à agir à l’extrême pointe du territoire prussien, en deçà et au delà du Niémen, à menacer et même à investir Kowno, solide point d’appui de l’armée russe, refoulée en Lithuanie après son échec d’Osterode-Tannenberg. Cette mission fut rem-

  1. Baïan, construit en France en 1907 : 7 800 tonnes, 21 n., 175 mm. de cuirasse d’acier à la ceinture ; 2 canons de 203 mm., 8 de 152 mm., 22 de 75 mm. ; 2 tubes lance-torpilles ; 1 100 tonnes de charbon ; 573 hommes, état-major compris. C’est, avec un tonnage moindre, un bâtiment de la valeur de nos croiseurs cuirassés du type « Montcalm ».