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Dans quelle mesure ou jusqu’à quand les satisfactions matérielles qui résultent de ces circonstances nouvelles l’emporteront-elles sur les sentimens que la nation danoise — sauf peut-être quelques socialistes avancés — nourrit à l’égard des puissances alliées et sur les souvenirs qui, depuis quelques années justement, lui paraissaient particulièrement douloureux, c’est ce que je n’examinerai pas, on le pense bien. Mais il est une question qui se pose nettement. Les Danois ont fermé le Grand Belt avec des mines sous-marines, et cela dès le début du conflit. C’était pour eux une nécessité, la Séeland, qu’ils entendent préserver à tout prix d’une invasion allemande, pouvant être aisément abordée par Kallundborg et surtout par Korsör. Il leur fallait d’ailleurs le temps d’y réunir toutes leurs forces, disséminées dans le Jutland et dans le reste de l’archipel, le temps aussi de compléter l’organisation défensive du camp retranché de Copenhague, qui est pour eux ce qu’Anvers est pour les Belges. Mais tout cela doit être fait et bien fait, maintenant ; et il reste ceci que le Grand Belt est miné, — avec, nécessairement, des chenaux de sécurité que les seuls marins danois connaissent, — et, donc, que l’accès de la Baltique est fermé aux nations belligérantes, ce qui profite exclusivement à l’Allemagne, puisque la Russie ne peut soutenir la lutte sur mer.

Une telle situation demande un très sérieux examen et un dénouement d’autant plus prompt que l’hiver approche[1]. D’aucuns pourront dire, à la vérité, que la guerre actuelle durera assez longtemps pour que, remise au printemps prochain, l’ouverture de la Baltique reste encore fort intéressante pour les alliés. Il se peut. Ce ne serait point, en tout cas, une suffisante raison de renoncer à y paraître cet automne. Plus on réfléchira sur ce point, plus on reconnaîtra qu’il est essentiel que les deux issues du canal allemand soient condamnées. Il faut tout faire pour cela et d’abord régler la question des mines danoises du Grand Belt. Quant aux mines allemandes, — car on peut être assuré qu’il y en aura au débouché des

  1. Il ne faut pourtant pas croire que toute opération maritime soit impossible, en hiver, dans la Baltique méridionale. Il est fort rare que les détroits danois soient rendus complètement impraticables par les glaces et plus encore que celles-ci s’opposent à l’accès des côtes des duchés, du Mecklembourg et de la Poméranie.