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Abyssinie pour faire échec à la France, l’Italie a préféré suivre le marquis Visconti-Venosta, apôtre infatigable d’un accord entre les nations sœurs, dans la voie des ententes avec les Puissances occidentales, ententes d’où est sortie de la part de ces Puissances l’acceptation de l’occupation italienne de la Lybie. La conquête des dernières possessions turques en Afrique par les troupes du roi Victor-Emmanuel III, les guerres des peuples balkaniques qui ont été la suite de cet ébranlement, la réalisation de l’acte d’Algésiras dans la mesure comportée par les accords directs conclus ensuite entre la France et l’Allemagne pour le Maroc, toute cette série d’événemens remarquables avait clos une époque de l’histoire diplomatique. La participation de l’Italie à la Triple-Alliance appartenait à cette période et vraisemblablement n’aurait pas pu lui survivre. On a cru jusqu’à hier qu’il en serait autrement par suite de certains griefs de l’Italie contre la France, conséquences de l’établissement de cette dernière à Tunis, et surtout à cause des rapports particulièrement délicats entre l’Autriche et l’Italie. Le fait que les Berbères et les Jeunes-Turcs insoumis à la souveraineté italienne avaient fixé leur quartier général en Tunisie avec le concours de puissans intérêts locaux, ne saurait suffire à transformer des tracasseries en un danger pour notre colonie nord-africaine. Si une vague panislamique soulevait un jour ces peuples indomptables sous un masque de calme résignation, elle emporterait en même temps la Régence française de Tunis et son cadet le gouvernement italien de Tripolitaine et de Cyrénaïque. Une solidarité européenne, on voudrait pouvoir dire chrétienne, doit donc unir de plus en plus les colonisateurs contre les revendications possibles des colonisés malgré eux.

Certes, on touche ici à des points délicats, susceptibles d’aboutir à des transactions temporaires, telles que le pacte récemment signé pour régler la situation des Tripolitains en Tunisie, et l’on ne saurait envisager avec trop de sang-froid les difficultés qui dérivent de la concurrence des deux politiques coloniales. Mais, après avoir étudié sans parti pris les perspectives d’un avenir assez proche qu’offre la Lybie, destinée à être encore pour longtemps une colonie d’exploitation et non de peuplement, il me semble peu sérieux de faire peser sur le choix de nos alliances des considérations qui sont, du moins pour le moment, aussi secondaires.