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ESSAIS ET NOTICES

CHARLES PEGUY


Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie...


Charles Péguy aimait à citer ce vers, devenu maintenant le linceul où nous ensevelissons sa mémoire. Il est mort pour la patrie, avec piété, avec une exaltation pieuse. Il n’a pas seulement accepté la mort, il est allé au-devant d’elle. Par son âge, il appartenait à l’armée territoriale, moins exposée que l’autre au danger. Il demanda d’être placé dans les troupes de réserve, afin de marcher du même pas que les camarades plus jeunes et d’aller avec eux tout de suite où on se bat. C’était son idée, arrêtée depuis longtemps, d’être en belle place sur la ligne du feu. Aux dernières pages de Victor-Marie, comte Hugo, publié il y a quatre ans, il avait écrit : « Nous parlons toujours de la guerre, qui est la grande mesure du courage... Nous avons failli la faire. Plusieurs fois. Dans ces alertes, nous faisions la même contenance. Nous levions la même tête. Dans cette alerte notamment, dans cette alarme de 1905, nous partions du même pied. Déjà nous n’étions plus l’un et l’autre des jeunes hommes dans des vieux régimens, nous étions des vieux hommes dans des jeunes régimens. Pourtant, avec notre air de ne pas y toucher, vous savez que c’était le cri unanime du camp de Cercottes : « Si une fois les réservistes marchaient, ça serait pour de bon. » Ç’a été pour de bon. C’est pour de bon, hélas ! Combien sont-ils déjà, rien que dans notre monde des lettres, qui ont fait superbement leur devoir et qui ont, — avec une si belle simplicité ! — accompli le grand sacrifice pour la patrie ? Nous les admirons, nous les pleurons. C’est Charles Muller, l’auteur avec Paul Reboux de ces pénétrans et malicieux A la manière de... C’est Emile