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brisées par le choc, mais qui se sont assez rapidement reformées et ont pris à leur tour l’offensive. Elles étaient commandées par le général de Hindenburg, dont les premiers succès ont causé en Allemagne un immense enthousiasme : le général de Hindenburg était devenu un héros. Il avait pénétré dans la Pologne russe et occupé une partie de son territoire, notamment les gouvernemens de Souvalki et de Lomza. La fortune paraissant les favoriser sur ce point, les Allemands y ont porté tout leur effort. Des troupes nouvelles y ont été envoyées et finalement le passage du Niémen a été tenté. Mais les Russes s’étaient ressaisis, et les Allemands ont rencontré une résistance à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ils ont été défaits à Augustow ; la Pologne russe a été complètement expurgée de leur présence et le général Rennenkampf a commencé contre eux une poursuite qui, cette fois, a été heureuse. Le grand-duc Nicolas, général en chef de l’armée russe, a adressé à M. Millerand, en le priant d’en faire part au général Joffre, un télégramme lui annonçant sa victoire, et le général Joffre a été heureux d’envoyer, au nom de l’armée française, de chaudes félicitations à l’armée russe et à son chef. C’est là un succès dont nous devons en effet grandement nous réjouir, car il place l’armée russe, déjà victorieuse des Autrichiens, dans une situation militaire excellente. Rien toutefois n’est encore décisif. Notre propre expérience nous a appris ce que les Allemands savent faire, avec quelle habileté, avec quelle ténacité ils s’accrochent au terrain et s’y enfouissent même pour se défendre après un échec. Nos alliés russes doivent s’attendre aux mêmes difficultés que nous, mais ils sont en nombre pour y faire face. Chez eux surtout, encore plus que chez nous, on parle de millions d’hommes comme on faisait autrefois de cent mille et le réservoir où on les puise paraît être intarissable. De leur côté, la guerre ne fait que commencer, car jusqu’ici leur mobilisation n’était pas terminée ; peut-être ne l’est-elle jamais en Russie d’une manière complète, précisément parce qu’il y a toujours d’autres hommes à lever ; mais elle est assez avancée pour que l’Empereur Nicolas soit venu prendre le commandement de l’armée. C’est là un fait significatif et qui annonce des événemens importans. L’Empereur a établi son quartier général à Brest-Litovsk, en arrière de Varsovie. Sous la direction de généraux habiles et résolus, sa présence exercera sur ses troupes une influence puissante et on peut s’attendre à une accélération prochaine dans la marche des Russes vers l’Ouest.

En dehors des opérations militaires qui, à l’Est de l’Europe,