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Je sais bien qu’on a cherché depuis à découvrir, dans ces paroles de M. Thiers, l’ajournement habile et indéfini d’une Constitution. C’était trahir sa pensée. Sans doute, le chef du pouvoir exécutif voulait qu’on s’occupât d’abord et surtout du relèvement de la France, mais il avait dit, et il le croyait, que, lorsqu’elle serait ranimée et restaurée, elle pourrait et devrait mettre fin au régime provisoire sous lequel elle avait été obligée de vivre. On le savait si bien, en février 1871, que nul homme politique ne songeait alors à briguer un pouvoir qui ne présentait que des difficultés terribles et même des périls certains. Le Pacte de Bordeaux, que tous les partis acceptèrent, signifiait nettement que l’Assemblée voulait « relever du sol où il gisait ce noble blessé qu’on nomme la France, » puis |lui rendre, après sa guérison, dans les délais nécessaires, la faculté de se donner une Constitution régulière. Les propos que j’ai entendus à cette époque et que j’ai pu relever dans tous les partis, confirment absolument ce que j’avance ici.

Après avoir obtenu la nomination des quinze commissaires chargés de suivre les négociations, M. Thiers fit adopter, sur la proposition de Barthélemy-Saint-Hilaire, la création de huit Commissions spéciales, chargées d’éclairer l’Assemblée sur l’état exact des forces militaires, sur celui de la Marine, des Finances, des Chemins de fer, routes, canaux et rivières, des Postes et des Télégraphes, des départemens envahis, de l’Administration intérieure et du commerce général de la France. Les feuilles radicales se moquèrent un moment de cette création qu’elles appelaient une occupation faite pour amuser les enfans turbulens. Mais quand on sut que les rapports étaient confiés à des hommes tels que MM. Guiraud, de Montlaur, Bastid, de Champvallier. Talion, Gallicher, Jauréguiberry, de Mornay, Bouisson, de la Rochethulon, Mathieu de la Redorte, Dahirel et Eschasériaux, on prit la chose au sérieux. Ceux qui ont dit que l’Assemblée s’était prononcée pour les préliminaires de paix sans avoir été informée de la situation du pays, n’ont connu ni les travaux de ces huit Commissions, ni leurs importans rapports. Les ayant lus et étudiés à fond, je puis affirmer qu’ils ne laissaient aucun doute sur la situation désastreuse faite à la France, en février 1871, et sur la nécessité d’y apporter un prompt remède.

Des bruits de toute nature circulèrent dans les couloirs de