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questions de cet ordre ont toujours joué un rôle prépondérant. Qui ne sait en effet que les diversités de croyance y remplacent en réalité les différences de nationalité et que l’étiquette confessionnelle y tient lieu de sujétion ? Et en nulle contrée, cette vérité ne s’impose avec plus de force qu’en Syrie, le berceau de la plupart des cultes. Il importe donc bien de se convaincre que les Maronites sont, en tout premier lieu, un groupement religieux et qu’à travers les vicissitudes des siècles, ils restent profondément marqués de cette empreinte. C’est la religion qui les a réunis et c’est à elle qu’ils doivent d’être encore aujourd’hui ce qu’ils sont, car c’est en elle qu’ils ont trouvé « l’énergie nécessaire pour défendre et conserver leur indépendance [1]. »


Les Maronites descendent d’une peuplade de même origine que celle des anciens habitans de la Syrie, les Araméens : ils sont donc de race sémitique. Leurs ancêtres comptent parmi les premiers chrétiens évangélisés par les apôtres. Ils peuplaient alors les plaines des environs d’Antioche et de Hama, l’ancienne Apamée des Croisés, ainsi que les villes phéniciennes de la côte. Jusqu’au IVe siècle, rien ne les distingue des autres chrétiens de ces contrées avec lesquels ils se confondent. Compris dans la province de Syrie seconde, ils relèvent de la domination de Byzance et se trouvent mêlés aux querelles religieuses, si nombreuses et ardentes, qui divisèrent le Bas Empire. Ce fut l’une d’elles, le schisme des monophysites, qui leur donna l’occasion de prendre conscience d’eux-mêmes et de se grouper en « nationalité. »

Après l’hérésie de Nestorius, affirmant l’existence de deux personnes distinctes dans le Christ, l’une divine, l’autre humaine, doctrine réprouvée au Concile d’Ephèse, se répandit celle du monophysisme, imaginée par Eutychès. Ce moine d’un couvent voisin de Constantinople, dans son ardeur à combattre les erreurs de Nestorius, en vint à tomber dans une hérésie tout aussi dangereuse aux yeux de l’Église, bien que totalement opposée, en soutenant qu’il n’existait dans le Christ qu’une seule nature. Le concile de Chalcédoine devait bientôt condamner

  1. A travers l’Orient, par l’abbé Pisani, p. 256.