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même formée d’après laquelle ils seraient descendus d’une colonie de Croisés réfugiés au Liban, après la ruine des principautés franques, sous la conduite du comte de Dreux, dont ils auraient emprunté le nom.

Déjà vers cette époque, une famille d’origine musulmane, celle des Ma’an, installée dans la région du Chouf vers le XIIIe siècle et convertie au Drusisme, jouissait dans la Montagne d’une autorité particulière faisant pressentir les hautes destinées auxquelles elle était appelée [1]. Dès le commencement du XVIe siècle, les Emirs du Chouf s’étaient fait une situation qui les mettait hors de pair : ils étaient alors, sans conteste, les premiers des Émirs.

Telle était, à peu près, la situation des Maronites et du Liban lorsque, en 1516, le Sultan Sélim Ier, à la tête des Turcs Osmanlis, fit la conquête de la Syrie. Les Emirs de la Montagne, entraînés dans la lutte par les Mamelouks, abandonnèrent ceux-ci dès qu’ils virent la fortune leur être contraire. Aussi, l’Empire arabe s’étant soudainement écroulé, la domination ottomane s’organisa-t-elle rapidement. Cependant, grâce à sa situation spéciale, le Liban réussit, encore une fois, à échapper, en partie, aux nouveaux conquérans. Pressé de s’emparer de l’Egypte et estimant inutile de s’immobiliser dans une guerre de montagne contre les Emirs libanais, Sélim Ier, se contentant d’un acte de soumission de leur part, les confirma dans leurs fiefs en qualité de vassaux, moyennant le versement d’un tribut [2]. Le Liban put, de cette façon, continuer à bénéficier de l’autonomie relative qui ne lui avait jamais fait défaut. Sous l’impulsion des Emirs druses, celle-ci allait même tendre à l’indépendance.


Le rôle des Maronites, malheureusement assez désunis à cette époque, fut, par la suite, pendant près de trois siècles, fortement éclipsé par l’ascendant grandissant des chefs de la famille Ma’an, qui allaient accaparer tout le Liban à leur profit. Ce résultat fut le fait de la valeur, — on peut même dire du

  1. Dès le XIVe siècle, l’Emirat du Chouf lui appartenait à titre héréditaire.
  2. Voyez une brochure intitulée : Perpétuelle indépendance législative et judiciaire du Liban depuis la conquête ottomane en 1516, par Philippe el Khazen. Beyrouth, 1910.