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M. Thiers qui tendait à transférer le siège de l’Assemblée dans un lieu plus rapproché de Paris. Trois villes avaient été l’objet d’un examen approfondi : Versailles, Orléans, Fontainebleau. La majorité de la Commission avait trouvé que Versailles était trop près de Paris et avait préféré Fontainebleau. « Pour y faire ses adieux à la nationalité française ? » interrompit Henri Brisson. M. Thiers s’empressa d’ajouter : « Le gouvernement persiste dans sa résolution d’aller à Versailles, » et la discussion du projet fut fixée au lendemain 10 mars, à trois heures.

Louis Blanc fut le premier à parler. Se dressant sur un petit banc placé à l’intérieur de la tribune, car sa taille était trop exiguë pour la dominer, il demanda à l’Assemblée si Paris lui faisait peur. Et répondant à ceux qui disaient oui, il fit cette citation de Machiavel : « Quand on a à gouverner une ville, dont les dispositions intérieures sont redoutables, l’un des plus grands moyens et l’un des plus sûrs est d’aller y habiter. Étant sur les lieux, on voit les désordres et l’on y remédie aussitôt. Quand, au contraire, on est absent, on ne les connaît que lorsqu’ils sont si grands qu’il n’y a plus moyen d’y porter remède. » Mais Louis Blanc niait tout danger et il prétendait que la majorité voulait, pour désarmer ce qu’elle appelait « la Révolution, » transporter pour toujours hors de Paris le siège du gouvernement. Il soutenait que chercher à ôter à Paris son rang de capitale serait soulever tous les Français dans un même sentiment de colère formidable et il craignait qu’à une guerre étrangère ne succédât une guerre civile plus horrible encore. Alfred Giraud lui répondit que le mandat, donné par les électeurs de l’Assemblée, était de ne pas délibérer sous le canon prussien ni sous celui de l’émeute. Silva était d’un avis contraire. Pour lui, il fallait aller à Paris, parce que la dignité des représentans les y appelait et parce qu’il convenait de conjurer tout péril par l’énergie des résolutions. Belcastel et Fresneau rappelèrent les émeutes de la Révolution et celles de 1848. Paris avait été trop souvent le chef-lieu de la révolte organisée. Millière, qui allait se jeter dans la Commune et y prendre un des premiers rôles, vint défendre en termes mesurés l’unité de la France et s’opposer à une résolution qui décapitait notre pays ; il affirma que, si l’on donnait satisfaction à des besoins légitimes, on n’aurait pas de révolution à craindre.

Enfin, M. Thiers prit la parole au milieu de l’attention générale.