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Le 20 mars, l’Assemblée, réunie à Versailles au lendemain de l’insurrection de la Commune de Paris, allait se trouver en face des plus grands périls, puisque l’étranger était encore sur le sol de la patrie et que la guerre civile la plus menaçante et la plus monstrueuse succédait à la guerre étrangère. Plus que jamais on avait besoin d’énergie, de calme, de sang-froid et d’union. L’Assemblée Nationale vint à bout d’une insurrection qui aurait pu achever la ruine de la France et détruire toutes les espérances fondées pour son relèvement. Elle dut ce résultat heureux à sa propre sagesse et à l’expérience consommée du chef qu’elle s’était donné.


Nous voici aujourd’hui, quarante-quatre ans après ces événemens, dans une situation d’une gravité exceptionnelle. En 1870-1871, nous étions à Bordeaux, à la fin d’une grande guerre et c’est là que nous avons dû faire la paix. En 1914, nous y sommes revenus, mais pour peu de temps, et ce n’est pas là que la paix sera faite. J’espère en effet qu’elle sera signée dans la Galerie des Glaces à Versailles, à la place même où, le 18 janvier 1871, le chancelier de fer a proclamé la formation de l’Empire allemand... Il faut, pour notre honneur, que cela soit ainsi. Le peu de temps qui vient de nous être donné à Bordeaux a suffi pour que la guerre ait pris une allure qui ne laisse aucun doute sur son dénouement. Cette fois, du moins, la cause juste l’emportera. En 1870, on s’était arrangé pour nous faire déclarer la guerre qui avait été résolue ailleurs ; en 1914, on s’est épargné cette hypocrisie et c’est l’Allemagne qui, après avoir voulu et préparé la guerre, nous l’a déclarée. On sait comment les Allemands l’ont faite ; ils en seront grandement punis. C’est ce que leur avait prédit un patriote incomparable, l’éloquent comte de Mun, auquel Bordeaux a fait des obsèques inoubliables, en réunissant autour de son cercueil les chefs du Gouvernement et les hommes de tous les partis, les derniers soldats restés dans la ville, ainsi que les amis de tout ce qui personnifie le courage, la justice et l’honneur.

Chacun avait tenu à rendre un suprême hommage au vaillant soldat de 1870, à l’infatigable député de la Bretagne, au défenseur admirable et obstiné des plus justes causes, à l’écrivain patriote qui n’avait jamais désespéré du triomphe de la France, à l’initiateur