Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La réparation des dommages aux victimes de la guerre est un des nombreux problèmes budgétaires qui se posent devant le législateur. La surface du territoire qui a été envahie dépasse 4 millions d’hectares ; à l’heure où nous écrivons, il en est encore 2 millions qui sont occupés par l’ennemi. Sur ces 2 millions d’hectares vivaient, d’après le recensement de 1911, 3 250 000 habitans, plus de 8 pour 100 de la population totale de la France. La valeur vénale du sol représentait 9 milliards et demi, environ 7 pour 100 de celle du sol national tout entier. La dette hypothécaire est d’un milliard environ, représentant également 7 pour 100 de la dette totale du pays. La valeur des constructions, particulièrement des usines et installations industrielles de toute nature, dépasse de beaucoup celle du sol. Quelle est, à l’égard des destructions constatées, la responsabilité de l’Etat ? Des décrets de 1793 l’avaient établie : le 14 août de cette année, la Convention déclarait, au nom de la nation, « qu’elle indemniserait les citoyens des pertes qu’ils ont éprouvées ou qu’ils éprouvent par l’invasion de l’ennemi dans le territoire français, ou par des démolitions ou coupes que la défense commune aura exigées de notre part. » En 1871 au contraire, le gouvernement fut d’un autre avis. M. Thiers affirmait que « l’Etat n’intervient jamais pour réparer les hasards de la guerre, qu’il n’indemnise que les dommages volontaires, intentionnels, réfléchis, dont il est l’auteur. » En fait, à cette époque, un compromis intervint : le montant des pertes subies dans les 34 départemens envahis fut arrêté à 657 millions, après une enquête qui ne se termina qu’en 1896. Des crédits furent ouverts pour 420 millions. Les intérêts qui s’y ajoutèrent portèrent les montans payés aux victimes à un total très voisin du total des dommages reconnus.

Dès maintenant, l’Etat a considéré qu’il y avait lieu de venir en aide aux populations si cruellement éprouvées, sans préjuger, bien entendu, les réparations qu’il y aura lieu d’exiger des auteurs des ravages. Le crédit de 300 millions est destiné à venir en aide aux victimes du nouveau mode de guerre pratiqué par les Allemands.

Cherchons maintenant à nous rendre compte de la façon dont pourront être couverts les 8 826 millions du budget semestriel ci-dessus. Admettons que les ressources ordinaires du budget qui, en 1914, étaient prévues pour 5 200 millions, tombent