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a limité depuis cette exemption aux débitans qui s’engagent a ne pas vendre d’alcool pur, et qui ne fournissent que des boissons, telles que le vin et la bière, évidemment moins dangereuses que l’eau-de-vie, surtout si elles ne sont consommées qu’en quantités modérées : mais la nécessité de dégrever les cabaretiers ne se faisait pas sentir.

Le problème de l’alcool est vital pour notre pays. Ce n’est qu’à la faveur d’une poussée violente de l’opinion que nous pouvons espérer le voir résolu. C’est dans des époques dramatiques comme celle où nous vivons, que les masses sont susceptibles de comprendre la grandeur du péril et de prendre les résolutions viriles qui, seules, nous sauveront d’une menace plus terrible que celle de l’invasion allemande. Il faut qu’un pétitionnement s’organise dans toutes les communes, que les femmes de France prennent la direction du mouvement, que des millions de signatures soient recueillies, qui imposent à nos législateurs les mesures de salut indispensables. Elles se résument en trois articles de loi : suppression du privilège des bouilleurs de cru, doublement du droit de consommation de l’alcool, réduction progressive du nombre des débits.

Le tsar Nicolas II, dès le début des hostilités, a fermé les dépôts de vodka (eau-de-vie) en Russie. Il a renoncé ainsi volontairement à une recette budgétaire de plus de 2 milliards et demi de francs. Sera-t-il dit que la République française est moins soucieuse de l’existence des Français que l’empereur moscovite ne l’est de celle de ses sujets ? Nous ne demandons même pas à nos parlementaires d’aller aussi loin que notre allié : qu’ils suppriment seulement la consommation illicite et clandestine, qu’ils élèvent la taxe à une hauteur telle que les ventes soient sérieusement ralenties, qu’ils réduisent le nombre des établissemens où s’engouffrent les salaires et se détruit la santé des ouvriers, et un grand pas aura été fait. Mais il est indispensable que le problème soit abordé dans toute son ampleur : il n’y en a pas de plus pressant pour la France. Déjà les hécatombes de la guerre vont avoir cruellement diminué le nombre des jeunes pères de famille, de ceux sur lesquels nous comptions pour avoir de nombreux enfans et combler les vides. Si des mesures n’étaient pas prises pour sauvegarder la vitalité et la santé de ceux qui resteront, nous devrions concevoir de très sérieuses inquiétudes sur l’avenir de notre population.