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et encore plus de tenter le percement de la ligne de blocus anglaise dans la mer du Nord. En outre, on risquait d’aller au devant de la force navale que l’Amirauté ne manquerait pas d’envoyer dans l’Atlantique Sud pour venger l’échec de Coronel.

L’amiral von Spee, — spontanément ou sur l’ordre de son gouvernement, nous l’ignorons, — se décida pour un moyen terme assez judicieux, qui consistait à s’emparer de la base secondaire anglaise de Port-Stanley, aux îles Falkland, autrefois appelées les Malouines.

A Port-Stanley, l’escadre allemande pouvait enfin se reposer, réparer ses avaries, remplir ses soutes sans rien emprunter à ses paquebots convoyeurs. Enfin elle avait le loisir d’attendre en sécurité, sur une rade bien abritée et suffisamment défendue, le réapprovisionnement en munitions dont elle avait grand besoin, après le combat de Coronel, précédé du bombardement si inutile de Papééte. Ce réapprovisionnement, l’état-major de la marine allemande réussirait bien à le lui faire parvenir. En attendant, rayonnant de Port-Stanley jusqu’au détroit de Magellan, d’un côté, jusqu’à l’estuaire de La Plata, de l’autre, elle ne pouvait manquer de faire quelques bonnes captures.

Ces projets furent déjoués par la remarquable activité dont fit preuve, en cette circonstance, l’Amirauté anglaise. Un mois à peine s’était écoulé depuis le combat de la côte du Chili qu’une forte escadre de croiseurs cuirassés, — dont deux » dreadnoughts, » — arrivait aux Falkland sous le commandement du vice-amiral Sturdee. Le Canopus et le Glasgow y étaient déjà. Certaines relations officieuses nous ont appris que ces bâtimens, joints à quelques croiseurs de type relativement ancien, avaient servi d’amorce à l’escadre allemande qui, déçue déjà dans son espoir de surprendre Port-Stanley, engagea cependant le combat avec son habituelle vigueur. Mais, peu de temps après, les deux « dreadnoughts » rapides prenaient l’adversaire à revers et décidaient, non pas de sa défaite, qui était à peu près inévitable, mais de sa prompte destruction.

Le Gneisenau, le Sharnhorst, le Leipzig et le Nürnberg furent coulés. Le Dresden put échapper à la poursuite des croiseurs légers anglais, ainsi que le paquebot armé Prinz-Eitel, qui portait, dit-on, 3 000 hommes destinés à l’occupation de Port-Stanley.