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Les Allemands faisant passer avant tout leur intérêt ne tinrent trop souvent aucun compte de ces règles ; elles découlent pourtant d’une appréciation à la fois équitable et digne du caractère du soldat qui, bien que trahi par le sort, n’a pas démérité.

En Poméranie, dit Bruchon, « les besognes les plus rudes et même les plus abjectes nous étaient toujours réservées ; on nous fit faire maintes et maintes fois le service de vidangeurs, dans les casernes et dans différens autres bâtimens ; et, chose inouïe, nous n’avions même pas d’eau pour nous laver !... »


Jamais non plus le plus mince salaire ne nous fut donné en échange d’un aussi rude labeur ; au contraire, lorsque nous étions loués à des particuliers, c’étaient les soldats poméraniens chargés de nous surveiller à la besogne qui recevaient de leurs compatriotes des gratifications comme récompense des coups qu’ils nous donnaient lorsque nous éprouvions le besoin de souffler dans nos doigts ou que nous nous arrêtions un instant de travailler [1]...


Pendant l’hiver, des prisonniers furent utilisés pour dégager les places et les rues de Stettin :


Du matin au soir, nous étions occupés à briser la glace, balayer, ramasser et transporter cette neige dans des traîneaux auxquels nous étions attelés comme des bêtes de somme [2]


Au camp de Krekow, les prisonniers furent employés, par des températures de 20 et même de 30 degrés, à charrier de la glace destinée à ravitailler d’immenses glacières pour les hôpitaux de Berlin, Stettin et autres villes.

Le même auteur a tracé un tableau saisissant que nous regrettons de ne pouvoir reproduire en totalité, d’une corvée de cette nature faite, deux fois par jour, sous la neige ; des coups de des de plat de sabre servaient de stimulans [3] ! A Cologne même, où la vie fut plus douce, voici ce dont fut témoin un homme de cœur le capitaine (depuis lieutenant-colonel) Meyret :


Oh !... c’est à travers mes larmes que j’écris ceci : Vingt soldats français, zouaves, fantassins, cavaliers en guenilles, attachés à une voiture

  1. Bruchon (Ph.), op. cit., pp. 96, 97.
  2. Id. ibid., op. cit., p, 109.
  3. Id. ibid., op. cit., pp. 131, 134, 135.