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Ingolstadt et que le chanoine Guers, qui s’y trouvait alors, a relaté avec détails [1].

Jean-Pierre-Auguste Hamel, soldat au 8e bataillon de chasseurs, regagnait son dépôt lorsqu’il croise, sans le voir, un officier allemand ; il ne le salue donc pas. « Ah ! s’écrie l’officier, je ne salirai pas mes nobles mains à te toucher ! » et, se précipitant sur lui, il le frappe furieusement à coups de plat de sabre.

Justement indigné, Hamel se précipite sur lui, et, le jetant par terre, le piétine. La foule l’arrête ; on le conduit en prison. Le Conseil de guerre se réunit aussitôt et, sans tenir compte de la lâcheté de l’officier, séance tenante, condamne Hamel à mort.

Le chanoine Guers ne parvint pas à obtenir sa grâce [2]; il passa auprès de lui sa dernière nuit et fut accueilli avec gratitude.


A l’aube naissante, raconte-t-il, Hamel était à genoux, embrassant longuement un crucifix, après avoir rempli tous ses devoirs religieux... et nous étions conduits au champ de manœuvres et au fatal poteau, et, avant de se laisser bander les yeux, il me disait : « Mon père, je ne me repens pas de ce que j’ai fait, mais seulement d’avoir offensé mon Dieu durant ma courte existence. Dites cela aux camarades, avec mes adieux à la famille, aux amis..., et au revoir au Ciel. »


C’est à Ingolstadt aussi que se perpétra, le 9 janvier 1871, l’assassinat juridique du sergent de tirailleurs Charles Gombault, qui a été raconté de deux façons différentes.

Exposons d’abord la version la plus vraisemblable, puisqu’elle est due au capitaine Quesnay de Beaurepaire, qui ne ménagea pas sa sympathie active à ses malheureux frères d’armes. Il était sur les lieux et reçut de première main des détails qui lui furent fournis par le sergent-major Wallet dans une lettre couverte de signatures.

Né à Dinan (Côtes-du-Nord), Gombault, chrétien convaincu, possédait une instruction lui permettant d’aspirer à l’épaulette. Sous-officier au bout de dix-huit mois pour sa brillante conduite dans le Sud-Oranais, il s’était distingué avec le 2e tirailleurs à Frœschwiller. A Ingolstadt, il avait, par « sa nature à la fois

  1. Guers (chanoine), op cit., pp. 76 à 80.
  2. « Je comprends votre démarche, dit le général auquel il s’adressa, mais elle est inutile. Il faut un exemple à vos Français indisciplinés. Ils vont l’avoir. « De l’acte inqualifiable de l’officier, nul regret.