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durs et de ces terrains friables, les eaux ont dû s’arrêter par étapes à la rencontre de chaque couche résistante pour franchir ensuite rapidement la zone d’argile placée au-dessous et venir faire un temps d’arrêt nouveau sur un banc inférieur. D’où cette disposition, si caractéristique en certains pays, qui donne aux profils des horizons l’aspect de trapèzes et de triangles posés verticalement sur une plaine, avec généralement un retranchement naturel, un abrupt, une falaise au sommet, là où se trouvait le banc calcaire, et, plus bas, une pente douce produite par le glissement des argiles. Bien souvent ces pitons isolés sont devenus des points d’appui pour un travail humain de défense. En tout cas, ils peuvent servir à un retranchement improvisé. C’est, par exemple, la coupe si caractéristique de ces pitons, de ces kopjes, sur lesquels se sont défendus les Boërs dans le veld transvaalien ; c’est la forme des Kalaat qui sèment la province de Constantine et la Tunisie. C’est la disposition, plus proche de nous, des forts de Reims ou des avancées de Nancy.

Dans ce travail des eaux, les pitons isolés constituent des témoins épars, des arrière-gardes d’un état de choses antérieur à nous. Généralement, quand on va plus loin dans le sens de l’écoulement des eaux, soit de leur écoulement actuel, soit d’un écoulement ancien qui a pu se faire en sens contraire, on vient se heurter à une falaise, au haut de laquelle on retrouve de semblables couches dures formant saillie. Si les terrains sont restés horizontaux, la couche dure peut occuper un vaste plateau. S’ils sont inclinés, ce plateau peut se réduire à une pente plus ou moins longue, coupée brusquement par sa tranche, avec un profil d’ensemble qui, lorsqu’il se répète plusieurs fois, donne des dents de scie. C’est la disposition de la falaise de la Champagne au-dessus de Reims, avec ses plateaux tertiaires dominant les plaines de la craie. C’est le cas des côtes de Meuse au-dessus de la Voivre. C’est la forme de la forêt de Haye au- dessus de Nancy, précédée là vers l’Est par les retranchemens du plateau d’Amance. Par endroits, sous la poussée de ces eaux qui sont venues battre la falaise et la démolir peu à peu, il s’est produit un grand cirque d’érosion qui l’entame : commencement de brèche, premier travail d’approche dans cette sorte de siège. C’est bien souvent un emplacement marqué d’avance pour une ville. Mais cette ville a eu des chances toutes particulières de naître et de grandir quand s’est réalisé un