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étapes historiques qui ont donné au sol de notre France son équilibre si bien pondéré, son balancement de lignes si harmonieux. Tout d’abord, il nous reste des temps primaires certaines saillies pas très hautes, ne s’imposant pas toujours de loin au regard, mais formant les piliers stables, depuis longtemps presque immuables, de son édifice. Sur leurs pénéplaines dominent les forêts et les prairies. Là sont les portions les plus intangibles du territoire national, où souvent semblent s’être réfugiées de très vieilles races. De tout temps, les armées ont tourné autour de ces massifs primaires plutôt que de les attaquer et surtout de les franchir. Puis la période secondaire, pendant laquelle les eaux des mers profondes ont parfois occupé la presque totalité de notre pays, a réalisé les empilemens de sédimens qui donnent leurs traits caractéristiques à toutes les régions périphériques de la cuvette parisienne, à la Lorraine, à l’Argonne, à la Champagne, à la Bourgogne, ou encore aux deux autres bassins de la Garonne et du Rhône. Le tertiaire a déterminé nos meilleures frontières naturelles en soulevant les Alpes, le Jura et les Pyrénées de plusieurs kilomètres, en enfonçant la plaine du Rhin d’au moins 2 500 mètres sur la longueur de l’Alsace. Enfin des temps plus récens ont modelé ce relief encore fruste et l’ont diversifié, tantôt supprimant le manteau tertiaire comme en Champagne, tantôt le respectant comme dans l’Ile de France. Alors ont achevé de se construire les lignes de retranchement qui occupent les ceintures successives du bassin parisien ; alors se sont ouvertes, dans ces bastions ou dans leurs falaises, des voies transversales qu’ont suivies plus tard nos voies ferrées ; alors a été entamé en hémicycle le pied de ces falaises en provoquant ainsi l’emplacement naturel d’une grande cité ; alors enfin sont restés solitairement, au milieu de la plaine dévastée par les eaux, des pitons isolés comme ceux des forts de Reims ou du Grand Couronné de Nancy. Chaque temps a ainsi contribué à une œuvre dont les hommes d’aujourd’hui profitent ou mésusent, comme de tout le passé, et que leur devoir est de connaître.


Nous bornant ici au côté stratégique, il est facile de conclure plus particulièrement qu’il existe, — et chacun le sait, — des