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forme atténuée, le mouvement vers l’unité nationale, né avec le Risorgimento aux environs de 1840 et qui se manifesta victorieusement en 1859, 1866 et 1870. Mais ce qu’on n’avait pas réussi en faveur de Milan et de Venise, « fara da se, » les reprendre de vive force et par ses propres forces à l’Autriche, pouvait-on songer à le tenter pour l’Istrie et le Trentin ? Puisque seule l’Italie n’était pas en mesure de les délivrer, il fallait attendre une occasion.

A la veille de la guerre de 1870, l’occasion parut se présenter. Lorsque les Cabinets de Paris, de Vienne et de Florence discutaient l’hypothèse d’une Triple Alliance défensive contre la Prusse (1868-1870), on reparla (mission du général Türr) de la cession bénévole du Trentin par le gouvernement de François-Joseph. Mais celui-ci se montra peu. disposé à céder gracieusement une partie de ses domaines héréditaires. Pour d’autres causes d’ailleurs, l’alliance envisagée ne fut pas conclue.

Quand, après la guerre russo-turque, les diplomates s’assemblèrent autour d’un tapis vert pour refaire une nouvelle carte d’Europe, beaucoup d’Italiens espérèrent que de cette distribution de territoires ils rapporteraient des terres « irredente, » au moins une rectification de frontières, peut-être le Trentin, abandonnés par l’Autriche comme compensation pour ses agrandissemens en Orient. Cette fois encore, ils furent déçus, et la diplomatie italienne ne joua au Congrès de Berlin qu’un rôle effacé.

De cette époque date, à vrai dire, l’agitation irrédentiste.

Le soir même du jour où le Congrès de Berlin décidait d’attribuer à titre de protectorat la Bosnie-Herzégovine à l’Autriche, commença la série des manifestations : à Venise, la foule, aux cris de : Viva il Trentino ! Viva Trieste ! Viva l’Istria ! brisa les vitres du consulat austro-hongrois. Durant quelques mois, dans toute la Péninsule, se succédèrent réunions, discours, proclamations, formation de ligues et de comités en faveur de l’Istrie et du Trentin.

Aux récriminations de ceux qui prétendaient que l’Italie n’avait su ni profiter d’une occasion historique pour compléter son unité, ni même obtenir les avantages territoriaux qui lui étaient dus afin de maintenir l’équilibre de ses forces et de celles de l’empire voisin, Zanardelli refusait de répondre à la tribune de la Chambre et faisait dire par ses journaux que l’occupation