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trouvaient être exclusivement des Italiens non naturalisés. Mais comment les Triestins pourraient-ils faire triompher leurs réclamations ? Ils demeurent désarmés en face de l’administration impériale, à moins que Rome n’intervienne en leur faveur. Sur ce terrain, la conversation est singulièrement délicate entre les deux Cabinets, et nous aurons bientôt à considérer l’influence que devaient exercer sur les rapports des gouvernemens alliés les revendications des Italiens sujets de l’Autriche.

Comme leurs privilèges politiques, les Triestins entendent défendre leur culture nationale. A Trieste, les Italiens indigènes sont environ cent vingt mille, auxquels il faut ajouter une trentaine de mille Italiens immigrés inscrits au Consulat Royal, alors que les Slaves, Croates, Slovènes sont seulement vingt-cinq mille, habitant surtout la banlieue, et qu’on ne compte que douze mille Allemands [1]. Les Italiens occupent les situations les plus importantes dans le commerce, les affaires, les professions libérales. Possédant avec le nombre la fortune et l’instruction, ils seraient volontiers enclins à considérer le petit peuple slave ainsi que les Hongrois regardent les Roumains, ou les Allemands les Tchèques, c’est-à-dire comme une race quelque peu inférieure et des sujets naturels.

Jusqu’à ces dernières années, l’italien et l’allemand étaient les seules langues en usage dans les administrations, les tribunaux, les services des postes. La suprématie de leur langue demeurant une des conditions du maintien de leur propre prépondérance, les Italiens de l’Istrie s’insurgèrent contre toute atteinte qui pourrait la menacer. Cependant l’instruction se répand parmi les Slaves. En vingt ans, le nombre de leurs écoles a doublé. Mais l’inauguration de chacune d’elles a été marquée par des manifestations hostiles faites aux cris de Evviva Trieste italiana ! (Bagarres en 1807 à Capodistria, en 1899 lors de l’érection d’un collège croate à Pisino.) En 1895, l’administration autrichienne ayant admis la langue slave sur un pied d’égalité avec l’italien dans certains actes publics, nouvelles manifestations. En 1899, le Conseil municipal de Trieste vote à l’unanimité la pose solennelle, dans la salle des réunions, d’une plaque de marbre portant l’inscription suivante :

  1. Une statistique par nationalités est toujours difficile à établir, Celle-ci m’a été fournie à Trieste en 1906. Les chiffres donnés par M. Chéradame ou M. Loiseau diffèrent sensiblement.