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et de décorations, il déclare solennellement que « l’agitation irrédentiste a cessé d’exister en Italie. » Mais l’irrédentisme vient, une fois encore, de rappeler qu’il est dangereux de l’enterrer prématurément. Le général quitte Vienne, et l’on annonce que les décrets Hohenlohe, qui ont soulevé tant de colères à Trieste, vont être étendus au Trentin :

« L’accueil courtois et les honneurs rendus au général Caneva durant sa visite à Vienne, les promesses du comte Berchtold au duc d’Avarna, tout cela, après cette nouvelle, ce sont des choses n’ayant pas plus de valeur que des petits pains chauds, » déclare le Giornale d’Italia, organe de M. Sonnino. La Tribuna constate que « la politique du comte Hohenlohe tend à annuler l’élément italien sur tout le littoral de l’Adriatique ; les Italiens peuvent-ils encourager et fortifier cette politique par leur alliance ? » — « Vaut-il la peine de conserver la Triplice dans le seul dessein d’exalter la nationalité allemande, d’opprimer l’Italie et de favoriser l’invasion des rivages de l’Adriatique par les Slaves et les Allemands ? » se demandait déjà, sept ans plus tôt, le député Brunialti.

Les deux États ont sans doute des motifs de rivalité plus pro- fonds que l’Italia irredenta. Tout les oppose et les divise, du lac de Garde jusqu’aux montagnes d’Albanie, le passé et le présent, la géographie et l’histoire. Mais le différend pour Trente et Trieste y ajoute un élément sentimental bien propre à émouvoir l’âme populaire ; cause permanente de frictions, ainsi que le reconnaissait dans le Neues Wiener Tagblatt M. de Grabmayr (déc. 1910), « l’irrédentisme est le point faible de la Triplice. » Comme nous avons eu l’occasion de le constater, malgré la volonté des gouvernemens, il se charge de faire éclater par une foule d’incidens imprévus ce qu’il y a de paradoxal dans l’alliance de deux Puissances qui constituent bien, si jamais le terme a trouvé son application, des ennemis héréditaires. Car, sans même parler des terres « irredente, » peut-on évoquer un épisode de l’histoire du jeune royaume, célébrer un anniversaire, inaugurer un monument, sans qu’une allusion s’impose aux luttes soutenues contre l’Autriche et à leurs victimes ? Et de l’autre côté des Alpes ou sur la rive opposée de la mer, si le vieil empire des Habsbourg veut se complaire aux images d’un des rares succès remportés au cours du dernier siècle, n’est-ce pas dans les souvenirs des guerres de la péninsule