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a de grosses sommes à recevoir par la Hollande, où le produit des encaissemens a dépassé le règlement des achats.

Mais les Anglais sont particulièrement bien placés pour voir clair dans ces manœuvres, et une vieille expérience personnelle leur a appris tous les artifices auxquels peut donner lieu le commerce maritime. Ils ont donc, avec cette progression continue dans la fermeté qui les caractérise, employé peu à peu les moyens de coercition dont ils disposaient pour amener les gouvernemens des pays neutres à agir et pour décourager les armateurs ou les assureurs d’un commerce irrégulier, rendu plus hasardeux de jour en jour. Une série d’incidens fâcheux, tels que des mines posées dans la mer du Nord par des bateaux ayant pris l’apparence de paisibles pêcheurs norvégiens, ont permis de déclarer la mer du Nord tout entière zone militaire (5 novembre). Les marins ont été avertis qu’à partir d’une ligne allant de l’Islande aux Féroé et à la pointe nord des Hébrides, ils s’exposeraient à des dangers, auxquels ils n’échapperaient qu’en suivant la route régulière de la Manche, où la surveillance est facile. D’autre part, les Allemands ont contribué au même résultat par la profusion scandaleuse avec laquelle ils ont semé des mines, qui, se détachant, coulent sans cesse des navires norvégiens ou hollandais, aussi bien que des navires anglais. ! En même temps, les difficultés qu’ont éprouvées certains États neutres à se ravitailler eux-mêmes après avoir abusé de leurs marchandises en faveur de l’Allemagne ont amené de leur part une série de prohibitions législatives. Peu à peu, on a donc vu se resserrer les mailles du filet, très lâche au début, où les Allemands vont se trouver pris. Par l’effet de ces mesures, la plupart des neutres ont successivement passé jusqu’ici par trois étapes distinctes dont l’énumération va accuser les progrès accomplis.

Dans la première phase, qui a parfois duré plus d’un mois, aucune interdiction légale n’existait. Alors les Allemands ont eu toutes les facilités pour absorber les stocks de métaux, d’essence, etc., qu’avaient formés leurs voisins immédiats, et même pour en faire revenir d’outre-mer des provisions nouvelles. Il suffisait qu’une maison interposée de Norvège, de Suisse ou de Hollande demandât pour elle-même les marchandises en question et les réexpédiât aussitôt en Allemagne. Les flottes alliées, qui, à cette époque, exerçaient incomplètement