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que, du point de vue de la Logique déductive, les hypothèses de Physique se montrent sous l’aspect de propositions qu’aucun raisonnement n’impose ; que le savant les formule comme bon lui semble, conduit seulement par l’espoir d’en tirer des corollaires conformes aux données de l’expérience ; qu’il les propose à notre acceptation parce que la condensation d’une multitude de lois expérimentales en un petit nombre de postulats théoriques lui semble, selon le mot d’Ernst Mach, une heureuse économie de la pensée. A cette besogne, le pur algébrisme des théories allemandes est merveilleusement apte.

Mais qu’est-ce à dire ? Simplement qu’un exposé de la Physique où l’esprit de finesse avait exagéré sa puissance est corrigé par un autre exposé d’où l’esprit de finesse a été chassé avec trop de brutalité ; en d’autres termes, qu’un excès trouve souvent son remède dans l’excès contraire ; chacun d’eux n’en est pas moins un excès. La belladone et la digitale neutralisent les effets l’une de l’autre ; ce sont, cependant, deux plantes empoisonnées.


VIl

A poser les hypothèses d’une théorie de Mécanique ou de Physique sans aucun souci des considérations par lesquelles l’esprit de finesse leur pourrait préparer notre adhésion, on risque de donner dans un grand travers ; on s’expose à produire des doctrines qui choquent les enseignemens universellement reçus du sens commun.

La science allemande fait bon marché des exigences du sens commun ; il ne lui déplaît pas de les heurter de front ; la doctrine géométrique de Bernhard Riemann nous a déjà permis de le reconnaître. A la base des systèmes qu’elle construit avec un appareil si minutieusement agencé, la pensée germanique, parfois, semble prendre un malin plaisir à poser quelque affirmation qui, pour l’esprit de finesse, soit occasion de scandale, dût même cette affirmation contredire aux principes les plus assurés de la Logique. Au nombre des axiomes, mettre une proposition formellement contradictoire, puis, d’un tel principe, par une suite de syllogismes très concluans, tirer tout un ensemble de corollaires, quel délicieux exercice pour un esprit géométrique qui fait fi de l’esprit de finesse et du bon sens !