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classer les réactions, les synthèses, les isoméries des composés du carbone. Aussi est-ce l’étude des composés du carbone, la Chimie organique, désormais sujette à l’emprise de l’esprit géométrique, qui a produit, dans les laboratoires allemands, des surgeons innombrables et d’une extraordinaire vigueur. Dans les nombreux chapitres qui composent la Chimie minérale, au contraire, les opérations mathématiques de la notation atomique sont d’un usage très restreint ; l’esprit de finesse est encore l’instrument qui démêle la complexité des réactions et qui classe les composés ; aussi ces chapitres de la Chimie n’ont-ils pas reçu, de la science allemande, un tribut comparable à celui que leur a payé la science française.

Nous ne voudrions pas nous aventurer dans le domaine de la critique et de l’histoire ; ne sutor ultra crepidam ; il semble, cependant, à nos yeux de profane, qu’on y trouverait occasion de faire des remarques semblables à celles qui précèdent.

Au gré de la science française, les études historiques ressortissaient essentiellement à l’esprit de finesse. L’ingéniosité et la vive imagination qui sont propres aux Français les portaient trop souvent, peut-être, aux conclusions aventureuses et aux synthèses de fantaisie. En prônant la minutieuse recherche des sources, le patient contrôle des textes, en réclamant la production de documens solides à l’appui de la moindre affirmation, l’esprit géométrique des Allemands est venu, très heureusement, refréner les imprudences d’un esprit de finesse trop primesautier. Mais il ne s’est pas contenté de rappeler à celui-ci que son pouvoir deviendrait bien fragile s’il n’étayait ses intuitions à l’aide de preuves assurées ; il a voulu l’exclure entièrement d’études où, jusque-là, il avait régné en maître. On a jonc vu se développer cette érudition allemande dont la méthode, réglée comme un instrument d’horlogerie, prétendait nous mener, des textes aux conclusions, par des voies infaillibles, « sans le moindre appel au jugement et au bon sens vulgaire. » Par la rigueur de ses procédés, par l’allure systématique de ses opérations, voire par la forme, inintelligible aux profanes, de son langage et des signes qu’elle se plaisait souvent à employer, cette érudition s’efforçait visiblement de copier l’allure de l’Analyse mathématique.

Or les études qui requièrent le sens critique sont précisément celles où la méthode absolue et rigide de l’Algèbre se