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Vos doigts, pressant mes doigts, faisaient jusqu’à mon cœur,
Tel un ruisseau vivant, refluer leur chaleur.
Les fruits où vous mordiez, vous les jetiez dans l’herbe.
Vous portiez dans vos bras des fleurs à pleine gerbe.
Vous cueilliez des jasmins et les lanciez dans l’eau.
L’Automne de ses ors vous faisait un halo.
Vous étiez belle ainsi qu’une nymphe de Grèce.
Sous vos pas l’on voyait éclore la tendresse
En rejets merveilleux dont vous vous couronniez.
Et le bonheur naissait où se posaient vos pieds.

O chère, vous m’avez escorté dans la vie,
L’espace d’un accord, puis vous êtes partie...

Et j’erre maintenant dans les lieux désolés
Où résonnaient vos chants et vos rires ailés.
Voici le taillis d’aulne où l’amour en silence
Vous jeta sur mon cœur, tremblante. Voici l’anse
Où nous nous abritions au bosquet de bouleaux.
Le fleuve, à nos baisers, ralentissant ses flots,
Jaloux, nous semblait-il, de nos longues étreintes.
S’attardait sur la rive à chercher les empreintes
De vos pas imprimés sur le sable soyeux,
Afin de les baigner de mille pleurs pieux...

Mais tout cela n’est plus qu’un passé. Mon amie,
Que faites-vous depuis que vous êtes partie ?
Je ne sais, désormais, hélas ! plus rien de vous.
Qu’êtes-vous devenue ? En quels sites plus doux
Votre grâce, adorable et superbe, vit-elle ?
Les échos d’alentour, que souvent j’interpelle,
Indifférens et sourds, gardant votre secret
Opposent à ma voix un silence discret...
Je ne sais rien de vous, mon Dieu !... Les feuilles tombent.
Les fleurs de mon jardin pâlissent et succombent.
La vie au sein des champs paisiblement s’endort
Dans les bras que lui tend Octobre aux tiares d’or...
...Voici l’Automne... Il pleut de la mélancolie.
Qu’êtes-vous devenue, ô ma Jeunesse enfuie