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réconfortant d’un peuple ami, qui s’exposait à tous les risques de la guerre pour refréner les prétentions et les empiétemens du Cabinet de Vienne. Les troupes françaises descendaient des Alpes, accouraient hâtives et joyeuses sur la rivière de Gènes pour accomplir un exploit qui restait vraiment chevaleresque, même si la France devait en recueillir quelques augmentations de territoire. Visconti Venosta n’assista point aux scènes les plus grandioses qui marquèrent la brillante coopération de l’armée française et de l’élite de la jeunesse italienne accourue sous les drapeaux du roi Victor-Emmanuel. Il devança les troupes régulières, en franchissant le Tessin en qualité de commissaire royal auprès des bandes réunies par Garibaldi, qui, sous le nom de chasseurs des Alpes, se jetèrent dans le haut de la Lombardie pour l’insurger sur le flanc des Autrichiens. Malgré sa rupture avec les exaltés, le gentilhomme vite assagi qui alliait si bien son grand nom à une solide popularité était tout indiqué pour devenir l’interprète du pouvoir responsable auprès d’une armée plus ou moins révolutionnaire. Il y réussit à merveille et développa son activité dans les anciens duchés de l’Italie centrale lorsque M. Farini, acclamé dictateur à Parme, à Modène et à Bologne, eut recours à sa collaboration. Il fit ainsi son apprentissage de ministre des Affaires étrangères dans des conditions particulièrement difficiles, car cet Etat, tout récent et éphémère, constitué à l’encontre des stipulations de Villafranca et de Zurich, n’avait pas droit de cité dans l’Europe officielle. Farini dépêcha ensuite le diplomate improvisé, auprès de l’empereur Napoléon III pour le rendre plus favorable aux aspirations bien déterminées des populations émiliennes, qui n’acceptaient d’autre arrangement que l’annexion à la monarchie de Savoie. Visconti Venosta, reparaissant dans les salons et dans les bureaux du Second Empire, donnait la sensation très nette de l’adhésion des classes dirigeantes au nouvel état de choses issu de la révolution. Les sympathies des Français qui n’avaient pas de parti pris furent vite acquises à cet envoyé qui parlait si bien leur langue et se montrait initié à tous les raffinemens de leur culture. Quant à ceux qui regrettaient les représentans d’autres régimes, ils soupiraient en voyant un gentilhomme de si grandes espérances rallié à la révolution. Ils n’allèrent pourtant pas jusqu’à imiter ce colonel autrichien qui, s’étant risqué à proposer à Visconti Venosta de revêtir l’uniforme