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durable Histoire des institutions politiques de l’ancienne France que le moment semble venu de ramener les lecteurs. A l’heure présente, ce qui répand sur la personne et projette sur la pensée de notre historien un reflet d’actualité tout à fait saisissant, ce sont quelques écrits patriotiques, fiévreusement improvisés pendant le siège de Paris ; c’est aussi, c’est surtout une étude mémorable, un peu postérieure, sur la Manière d’écrire l’histoire en France et en Allemagne. J’ai rouvert la monographie magistrale de Fustel de Coulanges par son disciple Paul Guiraud. Il mentionne avec honneur, mais pour les louer seulement, sans les analyser, ces pièces de circonstance. Elles sont dignes, aujourd’hui, de plus d’attention. Ceux qui les reliront y trouveront comme un cordial savoureux et vivifiant [1].


I

Le 18 octobre 1870, Fustel de Coulanges adressait « à Messieurs les ministres du Culte évangélique de l’armée du Roi de Prusse » une lettre rendue publique, dans laquelle il les dénonçait comme ayant eu l’inconscience ou l’impudeur de prêcher à Versailles, non « la charité, » mais « la haine et la guerre. » Ils avaient reçu le mot d’ordre, ou s’étaient arrogé, d’eux-mêmes, la mission de justifier par avance l’assaut de Paris, que préparait l’état-major allemand : ils y « entraînaient » leurs soldats. « Comme il faut bien donner à cette lutte exécrable les dehors de la justice et de la religion, vous représentez Paris comme une ville corrompue, réprouvée de Dieu, damnée, et vous l’appelez dans vos sermons la moderne Babylone. » Avec une émotion, bien poignante dans sa candeur, le serviteur scrupuleux de la vérité opposait à cette image, toute romanesque, de la capitale française, une esquisse rapide, mais expressive, de ce peuple si ingénu ou si dégoûté de la tartufferie, qu’il affichait ses travers naturels, se targuait de vices qu’il n’avait pas, dissimulait, comme des ridicules, ses vertus. Il montrait, dans la beauté simple et la virilité de ses résolutions, cette « population civile, » pacifique par définition, prenant les armes « pour défendre l’honneur et l’intérêt de la

  1. Presque tous les écrits de Fustel de Coulanges, dont j’ai à parler, furent d’abord publiés dans la Revue des Deux Mondes. Ils ont été recueillis par M. Camille Jullian dans le volume posthume des Questions historiques, édité par ses soins.