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entrevoit le jour où l’Allemagne maudira son comte de Bismarck, sa colossale idole. « Alors, » dit-il avec ce tour d’esprit profond et cette concision de style lapidaire qui font de lui l’héritier des maitres anciens, « la haine qui pèsera le plus sur la mémoire du ministre prussien ne sera pas la haine de la France, d’est la haine de l’Allemagne. »


IV

La guerre était achevée depuis une année et demie. Un deuil silencieux, mais qui serrait les cœurs comme un étau, enveloppait tout le pays de France. On lui avait arraché, malgré lui, pour les asservir, malgré elles, ces deux belles provinces de l’Est, l’Alsace et la Lorraine. Elles sont captives encore ; mais, au cri d’appel et au pas, sans cesse rapproché, des courageux enfans des autres provinces, leurs sœurs, elles se relèvent, et, selon la parole imagée du poète, elles nous apparaissent,


Détachant les nœuds lourds du joug de plomb du Sort.


Cette délivrance, que nos yeux voient poindre, Fustel voulait en hâter la venue, et c’est le sens profond de l’étude qu’il écrivit en septembre 1872, et qu’il intitula : L’Histoire en France et en Allemagne. Il n’attendait qu’une occasion pour reparler à fond de l’esprit allemand et de l’esprit français. Il avait ses raisons pour les opposer. C’était une guerre d’une autre sorte, où nous avions été vaincus depuis longtemps, mais où la revanche pouvait être prise, sans attendre même que les ennemis eussent fini d’évacuer tout notre sol. Fustel reprit sa plume, aussi aiguë, aussi loyale qu’une épée.

Il déchira le rideau qui nous avait caché les procédés insidieux des historiens de pays germanique et, d’autre part, il mit au jour aussi résolument les imprudences, les erreurs, les crimes de lèse-patrie de la plupart de nos historiens. C’est ici surtout que l’on voudrait recueillir la moindre parole. Si je ne cite pas in extenso ces pages qu’il faut lire, c’est que j’espère bien que nos éducateurs sauront, en attendant qu’elles aillent aux anthologies, les rechercher dans la Revue des Deux Mondes, et qu’ils les livreront, avec ou sans commentaire, à la méditation de leurs écoliers.

On ne peut mieux montrer comment, à dater de 1815, le