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n’avons point à nous en occuper ; mais nous devons noter que bien vite l’Empereur envoya son propre frère, le contre-amiral prince Henri de Prusse, en ambassadeur auprès de l’empereur de la Chine, pour lui faire reconnaître la prise de possession violente d’une de ses provinces, et surtout pour obtenir de lui des concessions encore plus considérables.

Il s’agissait en effet de donner de l’air à l’établissement de Kiaou-Tchéou, de se ménager une situation privilégiée dans le Chantoung, objet des ambitions industrielles et commerciales de l’Allemagne. C’est le 6 mars 1898 que le traité fut signé avec la Chine, ou plus exactement imposé à elle : le fait est que, dès le courant de décembre, on avait envoyé d’urgence sur Tsing-Tao, porto d’entrée de la baie et du territoire, un corps d’occupation permanent composé d’infanterie et d’artillerie, à même de relever le corps de débarquement fourni par les navires de guerre. En février, était parti d’Allemagne un capitaine de vaisseau nommé gouverneur militaire, qui allait prendre en main les transformations complètes qu’on entendait apporter à la nouvelle possession ; nous ne disons pas colonie, et cela volontairement, parce que le territoire de Kiaou-Tchéou, en raison de son importance, n’a pas été passé au Département colonial, mais est demeuré sous l’autorité du Département de la Marine.

Les clauses du traité imposé à la Chine lui donnaient une importance encore plus grande. C’est que son étendue réelle dépassait ses limites officielles. En effet, le traité avait cédé à bail (bail renouvelable) pour une durée nominale de quatre-vingt-dix-neuf ans, toute la baie de Kiaou-Tchéou avec les îles s’y trouvant ; à mer haute, elle a 22 kilomètres de diamètre environ, puisqu’elle est sensiblement circulaire ; à mer basse, elle en a encore un peu plus de 18. Les fonds y sont excellons ; le tirant d’eau atteint 10-mètres à l’entrée, et même 15 à 20 mètres au centre et le long de sa rive Est, qui est rapide, de telle sorte que des navires de forte taille peuvent aisément s’ancrer le long du littoral. Celui-ci est dominé par des hauteurs atteignant jusqu’à 100 mètres, ce qui permet d’installer des batteries défendant la baie et son entrée, dans un certain secteur tout au moins. On avait négligé complètement le port même et la ville de Kiaou-Tchéou, parce qu’ils avaient perdu une bonne partie de leur importance ; mais une clause complémentaire