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Sud-Ouest, sur la route d’Ypres, on percevait depuis quelques jours un grondement ininterrompu : c’était l’ennemi qui avait déplacé une partie de ses forces et qui cherchait, vers Mercklem, le contact avec nos territoriaux et les corps britanniques. L’occasion semblait bonne pour briser le corset de fer qui nous étreignait et soulager un peu nos positions. Le moral des hommes n’avait jamais été meilleur. Des bruits d’offensive générale couraient dans la brigade, et rien n’est plus propre que la pensée de se porter en avant à redresser le caractère français. Le 3 novembre, des avions à nos couleurs passaient au-dessus de Dixmude, en route vers les lignes allemandes ; dans l’Ouest, un sphérique se balançait.

« Heureux présages ! écrivait Alfred de Nanteuil. Tous ces encouragemens nous manquaient au cours de cette longue défense… J’ai le cœur allègre. Tout indique que nous allons avancer. Les marmites ont disparu, ce dont personne ne se plaint. Je suis en première ligne depuis hier soir… Il fait du soleil, l’alouette chante, la boue sèche. Nous sommes ignobles à voir… Relevés par les Belges à la nuit, je vais chercher pour les guider ceux qui remplacent ma compagnie… En rentrant, éreinté, j’arrête sur la route une barrique de soupe belge et y puise une louchée exquise. Mon bataillon est en réserve depuis hier soir. Nuit dans une grange, les hommes dans la tranchée. Aujourd’hui, dès le matin, sac au dos. »

Où allons-nous ? se demandait un peu plus loin l’intrépide et charmant officier. Et il se répondait à lui-même en souriant : « Peut-être n’allons-nous nulle part. En tout cas, la canonnade fait rage, et cette fois ce sont nos braves, nos chers canons, si impatiemment attendus. On n’entend plus les autres. Je crois que ça va bien. »

Alfred de Nanteuil ne se trompait pas : c’étaient nos 75, cette fois, qui menaient la danse. Le commandement avait décidé de faire déboucher de la ville « une attaque soutenue par une puissante artillerie et se proposant pour objectif principal le château de la route de Woumen, à un kilomètre de Dixmude. » Cette attaque était « montée » par quatre bataillons d’infanterie de la 42e division, un bataillon de marine sous les ordres du commandant de Jonquières servant de réserve, le reste de la brigade de repli éventuel. Et elle était conduite par le général Grossetti, — Grossetti l’invulnérable, comme on