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retrouvait en face de lui, sur l’autre rive de l’Yser, nos anciennes lignes de repli devenues notre front de défense, mais un front inexpugnable, bien garni d’artillerie lourde et derrière lequel, exacte au rendez-vous, l’inondation maintenant tendait son inflexible réseau.

Tout le bassin de l’Yser ne faisait plus qu’un lac, une mer morte, sur laquelle Dixmude, avec ses alignemens de pierres noircies, s’avançait comme un cap qui s’effrite, un Quiberon désagrégé. La prise de ce « tas de cailloux » avait coûté aux Allemands 40 000 hommes ; 4 000 blessés étaient transportés le lendemain à Liège, d’après les Nieuws van den Dag. Et l’on ne comptait pas ceux qui râlaient dans les ambulances du front. En prenant Dixmude, les Allemands s’étaient simplement rendus maîtres de deux têtes de pont. Encore est-ce trop dire, car, de la berge septentrionale de l’Yser, nous continuions à commander Dixmude qu’ils tentaient vainement d’ « organiser » et où les foudroyait l’artillerie du colonel Coffec. Tandis que là-bas, entre l’Yser et la digue du chemin de fer de Nieuport, des milliers d’Allemands, devant Ramscappelle et Pervyse, sur les petits tertres où ils avaient hissé leurs mitrailleuses et leurs mortiers, voyaient avec épouvante monter heure par heure autour d’eux le flot impitoyable de l’inondation, dans la région même de Dixmude, où l’amiral avait fait procéder, avec l’aide du génie belge, à l’explosion de l’éclusette Sud de la borne 16, une colonne allemande de 1 500 hommes, cernée par les eaux, s’enlizait misérablement avec l’îlot qui la portait ; une nouvelle inondation s’ajoutait à la précédente ; l’ancien schoore de Dixmude était définitivement reconstitué : ni aujourd’hui, ni jamais, l’ennemi ne pouvait plus passer.

Charles Le Goffic.