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accueillir les vœux des Roumains. Il n’en fut plus question. Les députés roumains et saxons protestèrent contre l’adoption sans discussion des lois kossuthiennes, comme ils avaient demandé, sans l’obtenir, qu’on substituât dans l’adresse aux mots « nation hongroise » une expression impliquant qu’il y avait en Hongrie plusieurs nations. Trop convaincus de leur faiblesse, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la plupart votèrent le projet sur les affaires communes et assistèrent au couronnement (juin 1867).

La question roumaine n’en existait pas moins el la façon dont les Hongrois useraient de leur victoire déciderait si le compromis serait mieux accueilli par les nationalités transleithanes qu’il ne l’avait été en Cisleithanie.

Les bénéficiaires du compromis ne sont pas arrivés tout de suite au système de la magyarisation hâtive et violente. La loi de 1868 sur les nationalités, tout en restant bien en deçà du programme de 1867, admettait le droit de chacune à se développer pacifiquement. Elle procédait des idées conciliantes personnifiées par Eotvos et Franç. Deak. Mais l’œuvre de patiente assimilation à laquelle ils ont attaché leurs noms devait céder à la manière forte. Cette préférence s’explique, si elle ne se justifie pas, par la situation réciproque des Hongrois et des Roumains en Transylvanie et en Europe, par les traditions historiques, par le génie ethnique de la race ongrienne. Une assimilation lente n’était certes pas impossible, mais elle était rendue difficile par la propagation rapide de la race roumaine, par sa résistance, d’autant plus efficace qu’elle était en partie passive, par l’attraction du roumanisme danubien. Elle était d’autre part difficilement compatible avec le mépris que des siècles d’oppression avaient laissé aux conquérans à l’égard d’une population si longtemps asservie et sans existence politique. Leur isolement ethnique les privait de la force et de la joie qu’une grande race, telle que la race slave pour ne citer que celle-là, puise toujours dans les sympathies des frères, des demi-frères que les événemens ont séparés, auxquels ils ont fait des destinées politiques différentes. Inquiétude, répugnance à entrer dans les idées, à ménager les sentimens d’autrui, par dessus tout, orgueil où le sang finnois qui coule dans leurs veines a peut-être la plus grosse part, les Magyars avaient de bonnes raisons pour se laisser entraîner vers l’impérialisme, et