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y ont concouru, de leurs propres actions, ou par leurs moyens pécuniaires ou intellectuels. »

« Pas un individu du royaume lombardo-vénitien, qui ne pût être placé dans cette catégorie, et cependant le maréchal, en entrant à Milan, s’était engagé d’honneur à respecter les personnes et les propriétés[1]. »

La princesse Belgiojoso fut taxée pour 800 000 livres, le marquis Pallavicino, 600 000, « noble Alessandro Mazoni poète, 20 000, etc. A toutes les réclamations des députations, Radetzky répondait : « Je suis le maître. »

Pressurée par l’Autriche, inutile présentement à son pays, la princesse Cristina se décida à voyager, d’autant mieux qu’elle avait été prévenue par un billet mystérieux qu’elle allait être arrêtée pour « sentimens irréligieux. » Ce billet venait d’un prêtre poignardé dans Rome et guéri par ses soins, qui lui témoignait ainsi sa reconnaissance. En route pour l’Orient, elle écrivit de charmantes lettres à Mme Jaubert : « Pendant que vous vous inquiétiez de moi et de mon voyage, je me tourmentais de sa durée et je pensais avec quelque sentiment d’envie à ces quelques coins de feu où je voudrais m’asseoir, tous les jours de ma vie. Les grands et terribles événemens auxquels je viens de prendre part remplissent ma vie d’une façon qui ne me permet pas de mesurer le temps. Quand je songe à l’époque où je vivais en rat de bibliothèque, quand j’étais libre, et en poupée de salon, quand je ne l’étais pas, il me semble que vingt ans se sont écoulés depuis, il n’y a cependant que trois ans de cela et de votre coin de feu[2]. »

Or, pendant que la princesse vogue, la police, infatigable, fait perquisitionner chez elle, et l’on peut croire qu’elle ne trouvera rien dans la demeure de celle que l’on a surnommée à Vienne « l’astucieuse. » Pourtant, dans un placard de son château de Locate, elle fait une trouvaille extraordinaire. Elle trouve le cadavre d’un homme, secrétaire de la princesse, le jeune Gaëtano Stelzi, en habit noir, parfaitement embaumé et conservé. Cependant, ce jeune homme, mort depuis quelque temps[3], avait été très régulièrement enterré. On peut imaginer le bruit que la police et les ennemis de la

  1. La Varenne.
  2. Le National. Lettre à Mme Jaubert, 6 septembre 1850.
  3. 16 juin 1848.