Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/923

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

content d’incriminer le galant homme qui la dirigeait, il impliquait dans ses accusations les filles de ce diplomate : « Elles parlent des affaires intérieures du pays sur un ton incompatible avec le rôle qu’on reconnaît en général aux membres d’une famille d’ambassadeur. » L’attaché militaire français, le prince de Polignac, ne trouvait pas davantage grâce devant lui. Il demandait son changement : « Il n’est pas à sa place. Il a choqué par la manière dont il a parlé des tendances agressives des généraux prussiens. C’est lui qui devrait être rappelé le premier. »

Sur ce dernier point, il reçut assez promptement satisfaction. Mais, en ce qui concernait l’ambassadeur, il dut attendre pendant près de deux années. Le gouvernement français ne se résignait pas à céder à des injonctions quelque peu humiliantes pour lui et à frapper un bon serviteur, ardemment patriote, qui n’avait pas démérité, et que la famille impériale avait pris en goût, ainsi qu’elle le lui prouva par l’expression touchante de ses regrets lorsque, au mois de janvier 1878, il quitta Berlin.

Il convient cependant de reconnaître qu’à cette date, le remplacement de Gontaut s’imposait. Sa présence à Berlin irritait Bismarck, chez qui cette irritation se traduisait par une bouderie systématique, nuisible aux affaires, et par l’affectation qu’il mettait à paraître inquiet des arméniens de la France.

— La France arme trop, disait-il à Hohenlohe. Elle augmente ses effectifs dans une mesure qui met l’Allemagne en péril ou du moins l’oblige à faire toujours plus. Quand vous-retournerez à Paris, ne présentez pas nos intentions sous de » couleurs trop pacifiques.

Il gémissait sur l’entêtement de l’Empereur, qui, « influencé par l’Impératrice et par Gontaut, » hésitait à renforcer les troupes allemandes sur la frontière française, comme c’eût été nécessaire « pour se mettre à la hauteur des Français. » A l’en croire, les masses allemandes de cavalerie et d’artillerie concentrées sur la frontière étaient insuffisantes pour la défendre. « Metz était menacée. D’un instant à l’autre, les Français pouvaient ouvrir le feu et exposer l’Allemagne aux pires dangers. » Il complétait ce tableau en attribuant les dispositions pacifiques de Guillaume Ier aux conseils de l’Impératrice. « Elle gagne du terrain et, derrière elle, on devine Gontaut. » Ses craintes, on l’a vu, ne reposaient sur aucun fondement. Elles témoignaient