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permettait pas de faire figure de prêteur. Toutefois, sa force militaire obligeait à des ménagemens. Lui aussi avait, comme les autres, auprès du gouvernement de Pékin, ses conseillers. La Révolution, qui balaya en quatre mois la dynastie tartare valétudinaire, devait lui permettre de faire sentir un peu plus sa puissance réelle ; c’était une occasion, pour les habiles diplomates japonais, de profiter de tous leurs avantages, dont la connaissance exacte de la situation, de la force respective des partis, n’était pas la moindre.

La nouvelle république, férue des grands principes occidentaux, avait institué la séparation des pouvoirs, adopté une constitution moderne. Le pouvoir exécutif était passé dans les mains de l’ancien vice-roi, ministre disgracié de la Cour, le fameux Yuen Chekai. Le législatif se trouvait naturellement dans celles des hommes nouveaux, les Chinois occidentalisés, qui avaient fait la Révolution, et seuls connaissaient les systèmes politiques et administratifs nécessaires à la vie d’une république. Une lutte sourde s’engagea bientôt entre ces deux forces. Peu de temps après l’intronisation présidentielle de Yuen, il devint visible que celui-ci tendait à la dictature ou à la reconstitution d’un empire à son profit personnel.

D’abord indécis, le groupement des Puissances décida, pour diverses raisons, politiques, diplomatiques et financières, de soutenir le premier contre les seconds. C’était à lui seul qu’on voulait consentir les emprunts nécessaires à la réorganisation du pays. Un consortium financier, qui, déjà, dans les dernières années de l’Empire, fournissait les subsides, ne comprenait, au début de la Révolution, ni la Russie, ni le Japon. Bien que peu prêteuses par nécessité, ces deux Puissances, usant de pression diplomatique, se firent admettre dans ce groupe. Celui-ci comprenait donc : l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Russie, le Japon, et aussi les Etats-Unis, qui, plus tard, s’en retirèrent. Le gouvernement de Tokio participait ainsi à l’élévation et au soutien de son vieil ennemi, car Yuen Chekai, ancien gouverneur de Corée, avait été de tout temps son adversaire résolu.

Mais, tandis que les représentans officiels de l’Empire travaillaient à leur manière au soutien de la dictature qui s’affirmait chaque jour davantage, là-bas, dans les îles, les intellectuels et le peuple, d’ailleurs avec la bienveillance du pouvoir,