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énergique, minutieuse est indispensable, non seulement au maintien de l’ordre, mais au progrès du pays sous toutes ses formes, spécialement à son développement économique. Une telle politique est la condition essentielle du succès de la colonisation dans les pays habités par des populations primitives. Coloniser, c’est faire adopter, tout au moins partiellement et incomplètement, l’ensemble de besoins, d’habitudes, de sentimens, d’idées, de connaissances et de notions que l’on dénomme civilisation, c’est donner une discipline, une organisation, des règles, des méthodes, toutes acquisitions qui impliquent abandon des usages nuisibles et des faux préjugés.

Cette transformation ne saurait s’opérer seulement par l’exemple, l’influence ou l’autorité des colons et des fonctionnaires agissant en tant que particuliers et s’offrant comme modèle à leurs voisins ou à leurs serviteurs indigènes, tout au moins là où, comme dans le Soudan oriental, les étrangers, — Egyptiens, Anglais, Grecs ou Syriens, — pour la plupart de condition très modeste, sont peu nombreux et n’habitent que les villes. L’État colonisateur doit pourvoir lui-même à la conservation des produits naturels, à l’amélioration de l’agriculture, à la réglementation tant de l’industrie que des transactions commerciales. Ceci est particulièrement nécessaire dans un pays dont les habitans ont été dégradés par une longue tyrannie et ont gardé, de l’époque encore récente où le travail était exécuté par des esclaves, l’idée que le travail est indigne d’un homme libre.

La protection des forêts et du gibier qu’elles abritent, l’utilisation des immenses pâturages dont la presque totalité reste déserte, la prospection et l’exploitation des mines et gisemens, l’extension de la superficie cultivable, tant par l’aménagement et la distribution des eaux que par la vulgarisation des bonnes méthodes de culture, sans oublier l’accroissement des populations encore à demi sauvages éparses sur le territoire et que les troubles qui précédèrent la conquête anglo-égyptienne ont réduites dans une proportion à peine croyable, leur formation, leur éducation, leur élévation progressive à la civilisation, voilà l’œuvre qui a déjà été entreprise par le gouvernement soudanais et dont la majeure partie reste à faire.

Le gouvernement a tout d’abord envisagé le problème du travail qui s’est posé à Madagascar au début de la conquête,