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face du pont de Schoorbakke, les fermes Den Toren et van de Woude et les carcasses cylindriques des thanks à pétrole. Ils avaient évacué tour à tour Stuyvekenskerke, Oudstuyvekenskerke et Vicogne. Dixmude restait au pouvoir des fusiliers marins et des Sénégalais ; les ponts de Nieuport, clef de l’inondation, n’étaient plus menacés. Le Kaiser, dépité, avait quitté la Flandre maritime et était allé devant Ypres, — y porter sa chance !

Sur quarante-huit mille hommes qu’elle avait pu, dans un va-tout héroïque, opposer à l’envahisseur, l’armée belge en avait perdu, — tués, blessés, perdus, prisonniers, malades, — dix-huit mille. Certains de ses régimens étaient presque anéantis. Un nombre immense d’officiers étaient hors de combat. Mais la route de Dunkerque était fermée. Mais un coin de la Belgique était inviolé. Et la victoire belge, pour ne pas bondir en avant, pour être une victoire sur place, n’en était pas moins une victoire.

Le 1er novembre, en gagnant à l’arrière leur cantonnement de Loo, quelques régimens passèrent, sur la route de Caeskerke à Oudecapelle, devant la vieille chapelle votive de Troost en Nood, — Consolation dans le besoin, — dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours, et respectée jusqu’alors par les obus. Ils remarquèrent pour la première fois un ancien bas-relief de pierre bleue, encadré dans l’humble fronton. Il représentait un bandit aux formes colossales, dont la Vierge retenait impérieusement le bras, au moment où il allait, par derrière, poignarder un jeune chevalier au repos.


PIERRE NOTHOMB.