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gentilhomme gascon, Jacques Galiot de Genouilhac, qui devait être pour l’artillerie française de son temps ce qu’avaient été les Bureau sous Charles VII, ce que serait plus tard un Montalembert à la veille de la Révolution. Grâce à lui, l’armée partant pour l’Italie disposait d’un nombre de pièces lourdes tout à fait inconnu pour l’époque, puisqu’elle n’emmenait pas moins de soixante-quatorze gros canons, sans compter les petits, et même des pièces d’un modèle nouveau, qui étaient sans doute des obusiers chargés à mitraille, si l’on en croit du moins la description, donnée par Fleuranges l’Aventureux, de cette « façon d’artillerie…, pas plus longue que deux pieds, qui tiroit cinquante boulets à ung coup et servit fort bien. » C’est cette supériorité d’artillerie, en effet, qui devait seule permettre à l’armée française de briser l’ordonnance des gros bataillons suisses, mal servis de quelques pièces insuffisantes, et frayer un chemin à la gendarmerie française pour achever la défaite de ces braves, que nul ennemi n’avait jamais enfoncés. Ainsi la France de 1515 présentait déjà comme en un raccourci les ressources qui lui assurèrent le succès aux grandes époques de son histoire. Riche et bien administrée par Louis XII, elle disposait d’une puissance financière qui lui avait permis d’acheter pour un million d’écus la neutralité anglaise, sans nuire à la préparation de la guerre projetée ; forte et unie, elle allait vaincre à la fois par sa supériorité technique dans son armement le plus moderne et par la fougue réfléchie de ses troupes, vraiment nationales.

Une stratégie adroite, mais simple, fit le reste. Tandis que 20 000 Suisses l’attendaient au débouché du mont Cenis et du mont Genèvre, François Ier avait franchi, à 2 000 mètres, le col de l’Enchastraye, rendu tant bien que mal praticable par 1 500 pionniers, sous l’habile Pedro Navarro. Déçus, les Suisses s’étaient repliés en toute hâte et, tout en les suivant de près, par Turin et Novare, le roi ne laissait pas de faire entamer avec eux d’actifs pourparlers en vue d’une entente. Son objectif était Milan, d’où il tenait à éliminer Sforza ; les Suisses, le Pape n’étaient pour lui que d’occasionnels adversaires. Sa marche foudroyante avait si bien décontenancé tout le monde, que ni don Raimon de Cardone, malgré ses excellentes troupes espagnoles, ni Médicis, avec ses vieilles bandes, ne se montraient pressés d’intervenir. Ils restaient également en observation