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à doter ses campagnes de cet outillage indispensable : elle fit de ses fleuves et de leurs affluens les distributeurs et les collecteurs de lourdes marchandises à travers tout le pays. De systématiques et énormes travaux élargirent et approfondirent le lit de ses rivières, en régularisèrent le cours et, par des canaux, en réunirent les bassins. Son commerce intérieur acquit un instrument dont, chaque année, les revenus se chiffraient par des centaines de millions économisés sur les transports.

La nature du sol, le relief et la pente générale du pays se prêtaient à cette pénétration des canaux et à cette circulation aquatique autant et mieux encore qu’à la circulation ferrée. Le climat de ces terres pluvieuses n’amaigrissait les rivières et ne les rendaient inutiles que durant quelques semaines de l’été. A travers les deux Allemagnes du Nord et du Midi, de la mer à la montagne, le Rhin, dompté et rectifié, portait bateaux et chalands jusqu’à la frontière suisse, l’Elbe jusqu’à la Bohême, l’Oder jusqu’au fond de la Silésie et jusqu’aux abords de la Pologne autrichienne, la Vistule et le Niémen jusqu’en terres russes. Sur le haut Oder, Kosel, à sept cents kilomètres de la Baltique, recevait ou envoyait, en 1912, plus de 16 000 bateaux et 3 millions et demi de tonnes de marchandises, et Breslau, quelque trente-cinq lieues plus haut, 10 ou 11 000 bateaux encore et 1 million et demi de tonnes. Sur le haut Elbe, Dresde recevait 7 ou 8 000 bateaux et près de 900 000 tonnes ; de Dresde à l’embouchure, huit ou dix grands embarcadères fluviaux se continuaient par des quais, des appontemens ou de simples terre-pleins qui finissaient par se rejoindre ; aux bouches mêmes, à Hambourg et Altona, le fleuve, à lui seul, amenait ou remportait plus de 82 000 bateaux et de 14 millions de tonnes. Pareille activité sur le Rhin : de la frontière hollandaise à la frontière suisse, tout son cours n’était plus qu’un port fluvial, à peine interrompu par les gorges profondes que couronnent les burgs en ruines : au bas, Duisbourg-Ruhrort, avec 75 000 bateaux et 25 millions détonnes ; au centre, Ludwigshafen-Man-nheim, avec 31 000 bateaux et 9 ou 10 millions de tonnes ; plus haut, le groupe de Strasbourg, avec 17 000 bateaux et 2 millions et demi de tonnes.

Depuis les temps lointains où le halage et le portage traversaient la forêt marécageuse, nombre de ces fleuves et rivières,