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la Majesté impériale et leur devoir de fidélité envers elle : au sens le plus strict du mot, chaque Allemand a toujours entendu être le bénéficiaire de l’Empire. Or, ni le sol, ni le sous-sol, ni la situation géographique de la terre allemande, ni les qualités spécifiques de la race ne se sont jamais prêtés à une extension indéfinie du bénéfice de chacun, à une multiplication quotidienne des bénéfices de tous : il a toujours fallu que l’Empire et l’Empereur se missent en quête de nouveaux domaines et de nouveaux profits aux dépens du voisin. Plus encore que l’idée impériale elle-même, ce sont les frais impériaux qui ont toujours obligé l’Empereur à poursuivre la domination et l’exploitation universelles.

Au long du millénaire qui sépara des Carolingiens les Hohenzollern, une seule dynastie, celle des Habsbourg, trouva le moyen de faire et de conserver sa fortune, tout en détenant durant quatre ou cinq siècles l’Empire ; mais ce fut par la suppression plutôt que par la solution du problème impérial. Le Habsbourg soigna ses affaires. Mais il négligea celles de l’Allemagne. Par son faste doré et son apparat magnifique, il soutint le prestige de sa majesté aux yeux de tout l’univers ; mais il laissa les ruines s’accumuler ou se remplacer sur toute la face de la terre allemande ; sauf quelques-uns de ses domaines propres et de ses peuples héréditaires, son Allemagne fut l’Etat le plus mal tenu et le peuple le plus malheureux en une Europe où la bonne tenue des États et le bonheur des sujets étaient le moindre souci des souverains.

La faute n’en fut pas au Habsbourg seulement. Il aurait peut-être, tout comme un autre, travaillé au bénéfice de ses fidèles, si ses fidèles avaient consenti à faire la dépense de l’entreprise impériale : à la Diète d’Augsbourg de 1510, il représentait sagement à ses sujets que le maintien de l’Empire ne saurait aller sans leur secours et appui, car l’unité à l’intérieur et la domination à l’extérieur « nécessitent de grandes dépenses que Sa Majesté n’était plus en état de supporter seule, après tout ce qu’elle avait déjà fait pour l’Empire dans les campagnes passées et présentes. » Mais l’Allemagne du XVIe siècle refusa toute contribution ; elle entendait que la seule majesté impériale fit les frais du profit commun.

L’Allemagne du XIXe siècle a mieux compris les nécessités de la vie : elle a consenti au Hohenzollern un budget impérial,