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eux, et leur réclamaient, par une atroce plaisanterie, le viaticum ou secours de route auquel les ouvriers de passage ont droit en vertu des conventions internationales.

Les socialistes intransigeans ne cachent pas le désappointement que leur a causé cet état d’esprit, après les déclarations si radicales du congrès syndicaliste de Munich, au commencement de 1914. Ils s’aperçoivent que la lutte de classe qu’on rabâche aux ouvriers depuis quarante ans n’est, pour la plupart, qu’un vernis superficiel. L’élite ouvrière ne demande qu’à collaborer avec les autres classes, elle se laisse leurrer par des promesses de réformes : sans traditions révolutionnaires, dirigée vers un idéal d’aisance de petits bourgeois, elle ne représente pas, d’après eux, les sentimens vrais des masses prolétariennes, qui, par centaines de mille au front des armées, sauront prendre leur revanche, la guerre achevée.

En attendant, les syndicats sont devenus les appuis du gouvernement pour la politique en général et pour l’organisation intérieure. Du mois d’août au 31 octobre, les caisses syndicales n’avaient pas fourni moins de 12 776 940 marks de frais de chômage, et 2 935 505 marks de secours de famille. Les grands personnages de l’Etat, ministres, premier bourgmestre de Berlin, président du Reichstag et de la Chambre « les Seigneurs de Prusse, chef de la trésorerie impériale, sont allés les remercier en corps à la Maison des syndicats et des coopératives, la Maison rouge, comme on l’appelle. L’introducteur de ces hauts personnages n’était autre que le député socialiste Südekum, l’un des agens les plus actifs de la Chancellerie de Berlin auprès des neutres.


V

Les socialistes ont partout l’oreille des classes populaires. Habiles à mettre en œuvre toutes les influences, les Machiavels de la Wilhelmstrasse n’avaient garde de négliger ces auxiliaires dévoués, propres à créer à l’étranger des courans favorables à l’Allemagne. Ils se servirent d’eux, dès le début de la guerre, les chargèrent d’entraîner l’Italie, l’alliée récalcitrante.

Des émissaires du parti socialdémocrate autrichien, quelques semaines après l’ouverture des hostilités, avaient cherché des entretiens secrets près des socialistes milanais, qui refusèrent d’entrer en pourparlers avec eux. Par une coïncidence maladroite,