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Ces paroles étaient accueillies avec chaleur par la Chambre qui, pour accentuer ses sentimens, envoyait son salut à la Belgique. Elles étaient accueillies avec enthousiasme par l’opinion publique qui, tout de suite, y avait vu l’annonce et le gage de l’intervention. Comme le disait, en quittant la séance, M. de Felice, député socialiste réformiste, « ces déclarations signifiaient la guerre. » On ne put s’y tromper en Europe. Et la presse allemande, le lendemain, reproduisait sans un mot de commentaire le discours de M. Salandra.

Cette grande séance parlementaire devait porter sur-le-champ deux contre-coups extrêmement remarquables.

D’abord la mission du prince de Bülow comme ambassadeur extraordinaire à Rome, mission annoncée et démentie à plusieurs reprises, devenait aussitôt certaine et officielle. Le gouvernement impérial accusait singulièrement les soucis que lui causait l’attitude de son ancienne alliée en considérant qu’il ne fallait pas un moindre personnage que l’ancien chancelier pour tenter de résoudre la difficulté italienne. Ce rappel à l’activité d’un homme d’Etat tombé en disgrâce était, en effet, hautement significatif. Nul n’ignorait que Guillaume II eût gardé une sérieuse rancune contre celui qu’il nommait autrefois son « fidèle Bernard, » qu’il avait fait prince après le coup de Tanger, mais dont la présence lui était devenue odieuse depuis les célèbres « journées de novembre, » où le chancelier avait affecté de prendre le souverain sous sa protection après lui avoir infligé un désaveu et un blâme publics. Aussi, en chargeant M. de Bülow de cette mission délicate, Guillaume II, dit-on, faisait ce double calcul : « Si Bülow réussit, et dans mon personnel diplomatique je ne vois que lui qui soit capable de réussir, le bénéfice sera pour mon Empire et pour moi. S’il échoue, c’est que tout autre doit échouer à sa place. Son échec le diminuera et ma vengeance sera plus complète. « Cependant le départ du prince de Bülow pour Rome était salué avec des cris de joie par les journaux allemands, et les Dernières Nouvelles de Munich, avec un mauvais goût parfait, parlaient d’un « coup de canon diplomatique de 420. » A quoi un organe nationaliste de Rome répliquait avec rudesse : « Philippe de Macédoine disait que toute forteresse peut être conquise par un âne chargé d’or. Il parait que l’âne chargé d’or serait arrivé à Rome voilà quelque temps, mais la forteresse de la politique italienne n’est pas