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chercheront à empoisonner la vie italienne, à contaminer parmi nous toute chose puissante et belle.

Pour cela, je le répète, tout bon citoyen doit être un soldat contre l’ennemi de l’intérieur ; tout bon citoyen doit le combattre sans trêve, sans quartier. Si même le sang doit couler, ce sera du sang béni, comme celui qui est versé dans les tranchées.

Le Parlement italien se rouvrira le 20 mai… Et le 20 mai est l’anniversaire de la prodigieuse marche de Garibaldi, la marche sur le Parc de Palerme.

Cet anniversaire, célébrons-le en fermant l’entrée du Parlement aux valets de la villa Malta et en les repoussant vers leur hypocrite patron.

Et, dans le Parlement italien, les hommes libres, affranchis des laides promiscuités, proclameront la liberté et l’achèvement de la Patrie.


Qu’on juge de l’émotion que devait produire sur la foule un tel langage, appuyé par des révélations aussi émouvantes, d’un caractère en même temps aussi insolite, sur les dessous du conflit européen : la place publique redevenait le forum où les affaires de l’Etat étaient exposées aux citoyens… Ainsi, le nom, l’honneur de la nation étaient en jeu. Non seulement l’accomplissement des destinées nationales risquait d’être arrêté par l’intervention étrangère, mais encore les engagemens de l’Italie envers d’autres Puissances ne seraient pas tenus. C’était la servitude, c’était l’humiliation, et l’opinion publique en était touchée au point le plus sensible. Au cours de ces journées ardentes et tumultueuses, l’idée nationaliste, lentement préparée depuis dix ans, développée déjà par l’expédition de Libye, fit un bond immense. Combien de forces morales, de courans intellectuels, de traditions peut-être inconsciemment nourries, combien de sentimens contraires, de velléités jusqu’alors obscures émergèrent et réalisèrent leur conjonction à ce moment-là ! La fierté du citoyen romain, — qui, de nos jours, n’a pas vainement relevé dans sa vie municipale le symbole du S. P. Q. R., — s’unissait aux souvenirs du Risorgimento et à la claire notion que possède l’Italie contemporaine de ses droits et de ses devoirs de grande Puissance. Quelle erreur, quelle fausse note, quelle lourde faute, de la part du prince de Bülow, de n’avoir pas compris que sa mission extraordinaire, l’importance de son personnage, les allées et venues, si suspectes, de la villa Malta, devaient justement alarmer les susceptibilités du peuple italien,